Est-il possible d’abolir la peine de mort aux USA ?

Billet Blog

Dans la nuit du 21 au 22 septembre, l’Etat de Géorgie a executé Troy Davis.

Arrêté après le meurtre du policier Mark MacPhail en 1989 à Savannah en Géorgie, Troy Davis avait été déclaré coupable et condamné à la peine de mort en 1991.

Au cours des vingt années qui ont suivi, ses avocats avaient réussi à convaincre de nombreuses associations de défense des droits de l’homme et une bonne partie de l’opinion américaine de son innocence. Ils ont tentés par de multiple procédures d’appels d’obtenir un nouveau procès. Les doutes croissants sur la fiabilité des preuves matérielles présentées au procès et la rétraction des témoins qui l’avaient identifiés – selon eux sous la pression de policiers anxieux de trouver un coupable pour le meurtre de leur collègue – avaient convaincu plusieurs membres du jury qui l’avait condamné que sa culpabilité était plus qu’incertaine.

Pourtant, aucun des appels n’a abouti, et après quatre heures de délibération dans la soirée du 21 septembre, la cour suprême des Etats-Unis a choisi de rejeter la demande de suspension de l’exécution, sans publier d’explication sur sa décision.

Malheureusement cette affaire, aussi tragique et scandaleuse qu’elle soit, n’est pas unique dans l’histoire de l’application de la peine de mort aux Etats-Unis.

Ce qui est nouveau, c’est le débat national que cette affaire a suscité et l’ampleur du soutien à Troy Davis dans un pays qui accepte pourtant toujours très bien le principe de la peine de mort.

Au cours de ces dernières années, probablement grâce aux progrès scientifiques en matière de techniques d’investigations, la crainte de l’erreur judiciaire s’est amplifiée. Ainsi, plusieurs Etats ont aboli la peine de mort, reconnaissant implicitement leur incapacité à garantir l’infaillabilité du système. Grâce au travail du groupe Innocence Project, près de 300 personnes ont été innocentées, dont 17 dans les couloirs de la mort.

L’affaire Troy Davis a aujourd’hui cristallisé la peur d’exécuter un innocent.

Dans un système judiciaire sans juge d’instruction, avec un procureur élu et où la qualité de la défense dépend trop souvent des moyens de l’accusé, les dysfonctionnements sont inévitables. Et lorsque que l’inculpé peut être mis à mort, ces dysfonctionnements ont des conséquences irréversibles.

Il n’y a jamais eu de débat de fond au niveau national sur la question éthique de la peine capitale. Michael Dukakis a été le seul candidat à l’élection présidentielle à avoir osé affirmer son opposition à la peine de mort sur des bases purement éthiques, et cette position a largement contribué à sa défaite contre George Bush père en 1988.

Des officiers en charge des exécutions osent aujourd’hui parler de l’impact psychologique d’avoir à exécuter des personnes dont la culpabilité n’est pas absolument établie. Certains vont même jusqu’à parler de l’acte de tuer en tant que tel, et des implications éthiques d’un meurtre sanctionné par la loi, mais il est encore douteux à ce stade que cet aspect du débat soit largement repris.

On avance tout de même dans la bonne direction avec la remise en cause d’un système judiciaire incapable d’assurer qu’il n’exécute pas des innocents.

Il y a à peine deux semaines lors d’un débat, Rick Perry, candidat à la primaire présidentielle du Parti Républicain, était applaudi pour les 234 exécutions qu’il a autorisé en tant que gouverneur du Texas. Interrogé sur ce record, il affirme sans hésiter l’infaillabilité du système judiciaire au Texas et déclare n’avoir jamais perdu une minute de sommeil sur cette question.

Le cas Troy Davis forcera l’opinion à mettre en doute les assertions de Rick Perry et son absence totale de questionnement d’un système dysfonctionnel.

D’autant plus qu’il y a aussi le cas Cameron Todd Willingham, exécuté au Texas en 2004 pour avoir causé la mort de ses trois enfants en mettant le feu à sa maison, et ceci malgré la mise en doute du caractère criminel de l’incendie. Rick Perry avait refusé de suspendre l’exécution en dépit des rapports d’experts démontrant que l’incident était probablement accidentel. Il est même soupconné d’avoir volontairement bloqué en 2009 l’enquête sur la possibilité d’une erreur judiciaire dans cette affaire.

Ceci nous permet de penser que pour la première fois dans l’histoire des élections présidentielles des Etats-Unis la remise en cause de la peine de mort peut faire irruption dans la campagne sous un angle progressiste.

Il faut donc espérer que ce débat sera appronfondi pendant cette campagne présidentielle, et fera avancer les Etats-Unis vers une abolition de la peine de mort au niveau fédéral.