Monsieur Sarkozy, les Français de l’étranger ne sont pas qu’une cible électorale !

Tribune publiée dans Le Plus L’Obs

Il y a un million de Français de l’étranger inscrits sur les listes électorales pour les élections de 2012, et pour la première fois, ils voteront non seulement pour élire le président mais aussi pour élire leurs propres députés. Leur vote pèsera sur le résultat de la présidentielle et sur la composition de la majorité parlementaire.

Depuis quelques semaines le candidat sortant redouble d’attentions pour les Français de l’étranger, avec de très nombreux emails, envoyés aux 57% d’inscrits à l’étranger ayant fourni leur adresse électronique aux consulats. Après son message nous expliquant que nous ne sommes pas des évadés fiscaux (on le savait !), puis celui nous racontant comment il a agi en président pendant et après la tragédie de Toulouse en refusant toute récupération politique (ah bon ?), Nicolas Sarkozy nous écrit à nouveau pour nous annoncer la création d’un site internet spécial “Français de l’étranger” : international.lafrance.forte.fr. (ndlr : le PS a un site dédié pour la fédération des Français de l’étranger qui existe depuis plus de dix ans)

Le Parti socialiste (PS) et Europe Ecologie – Les Verts (EELV) n’ont pas besoin d’artifices pour donner toute leur place aux Français de l’étranger dans ces élections. Partout dans le monde, ils présentent des candidats aux législatives issus du terrain après consultation de leurs militants, alors que l’UMP parachute des proches de l’Elysée dans une grande partie des circonscriptions. François Hollande et Eva Joly ont depuis le début inclus des représentants des Français de l’étranger dans leurs équipes.

C’est pour cela qu’à gauche, nous pouvons et nous savons proposer des solutions proches des réalités de nos compatriotes à l’étranger, tout en les incluant pleinement dans le projet pour la France.

Un calcul politique ?

Il est étonnant que celui qui a permis la création des 11 circonscriptions législatives à l’étranger soit celui qui porte le moins d’attention à la signification démocratique et républicaine de donner aux Français de l’étranger une représentation politique complète parmi les élus de la nation. Il préfère s’adresser à nous comme à une clientèle. Pour Nicolas Sarkozy, l’instauration de ces premières élections législatives à l’étranger est-elle uniquement un calcul politique ?

La gauche avait déjà soutenu la proposition de créer des sièges de députés des Français de l’étranger avec Lionel Jospin en 2002 et Ségolène Royal en 2007, alors que dans le même temps – nous verrons bientôt pour cette année – les Français de l’étranger votaient majoritairement pour la droite. Car nous croyons à l’importance de reconnaître dans la représentation parlementaire que l’on est pleinement citoyen français, quel que soit l’endroit où l’on vit. Nous pensons que la France doit permettre aux Français qui vivent à l’étranger de maintenir un lien fort avec elle dans leur vie quotidienne, et doit reconnaître l’enrichissement du débat démocratique national qu’apporte l’expérience des Français de l’étranger.

La drague des candidats

Avec la campagne des législatives qui bat son plein, et les premiers messages ces derniers jours de François Hollande et François Bayrou à leur intention, les Français de l’étranger commencent à prendre l’habitude d’être courtisés par tous les candidats.

Si les Français des différentes régions de métropole, d’Outre-Mer et de l’étranger ont des préoccupations spécifiques qui doivent être prises en compte, ils sont tous des Français à part entière qui attendent qu’on s’adresse à eux comme tels, en particulier dans le cadre d’élections nationales.

L’organisation des communautés de Français vivant hors de France est encouragée par tous, toutes tendances politiques confondues, comme un moyen essentiel pour faire vivre sa citoyenneté et sa culture françaises.

Nous n’en sommes pas choqués, car nous savons que s’appuyer sur une communauté organisée est aussi un facteur important d’une intégration réussie dans nos pays de résidence. Le communautarisme n’est pas nécessairement le repli sur soi malgré le sens exclusivement péjoratif que ce mot a pris en France. En Amérique du Nord en particulier, nous, communautés des Français des Etats-Unis et du Canada, bénéficions de la tolérance de nos sociétés d’accueil. Nous sommes pleinement Français, et pour la plupart pleinement intégrés dans la vie des pays où nous résidons, sans contradiction.

Il est ironique que le candidat sortant qui a toujours été si prompt à dénoncer l’organisation de communautés en France comme une menace pour l’identité nationale et l’intégrité de la République, soit si décomplexé dans sa drague des Français de l’étranger en tentant de jouer sur tous les ressorts du communautarisme.

Mais finalement tout cela relève de la même logique. Nicolas Sarkozy s’adresse souvent à nos concitoyens dans ce qui les oppose plutôt que dans ce qui les rassemble. Que ce soit pour dire qu’il y a trop d’étrangers en France, ou pour séduire les Français de l’étranger.