Parlons enseignement français

Bourses ou prise en charge, j’ai choisi !

Soucieuse de faciliter l’accès à l’enseignement français à l’étranger grâce à un système d’aide à la scolarité socialement juste, je dénonce depuis son instauration la « fausse gratuité » mise en place par Nicolas Sarkozy pour les classes de lycées dans les établissements scolaires homologués par la France à l’étranger, car il s’agit d’un système coûteux, injuste et inepte.

Certains me reprochent d’être contre les lycées homologués car je suis contre cette Prise en Charge (PEC). C’est faux. C’est parce que je veux un réseau d’écoles homologuées accessibles au plus grand nombre que je veux remettre le principe de justice sociale au cœur du système d’aide à la scolarité.

D’autres me reprochent de vouloir supprimer une aide indispensable et populaire. C’est faux. Cette forme d’aide à la scolarité profite à beaucoup de familles qui n’en ont pas besoin et est décriée par tous les établissements scolaires.

D’autres encore me reprochent de faire une promesse intenable sur le reversement du budget de la PEC au budget des bourses scolaires. C’est faux. Un budget est l’expression d’une volonté politique, pas un simple exercice comptable.

Jusqu’en 2007, l’aide à la scolarité pour les enfants français dans les établissements scolaires homologués par la France à l’étranger consistait à distribuer des bourses scolaires sous conditions de ressources, de la maternelle à la terminale.

En 2007, Nicolas Sarkozy a instauré la prise en charge – totale et sans condition de ressources – des frais de scolarité pour les classes de terminale homologuées par la France. Quelle est la logique de commencer par la terminale plutot que la maternelle si le but est de faciliter l’accès à l’enseignement français homologué? Il a ensuite étendu cette PEC à la première puis à la seconde, avant d’arrêter là, revenant ainsi sur sa promesse d’une scolarité gratuite pour tous les enfants français à l’étranger dans les établissements scolaires homologués. Pour finir, il a décidé de plafonner la PEC aux montants des frais de scolarité de l’année 2007/2008. Pourquoi ? La PEC coûte trop cher.

Rien d’étonnant à cela, l’explosion de l’enveloppe budgétaire de la PEC était totalement prévisible. Prendre en charge des frais de scolarité sans condition de ressource, c’est forcément donner l’argent du contribuable français à un grand nombre de familles qui n’ont pas besoin d’aide, ou bien parce qu’elles ont les moyens de payer, ou bien parce que leurs employeurs payaient et se déchargent maintenant sur l’Etat français. On estime ainsi que la moitié des familles bénéficiant de la PEC n’en ont probablement pas besoin.

Prendre en charge des frais de scolarité dans des écoles de droit privé local et donc sans contrôle de la France sur les tarifs pratiqués, c’est forcément s’exposer à des hausses exagérées de frais de scolarité de la part d’établissements n’hésitant pas à profiter de l’aubaine.

Dans le même temps, le barème des bourses sous conditions de ressources s’est durci, en particulier aux Etats-Unis, et les familles des classes moyennes sont particulièrement pénalisées, surtout lorsqu’elles ont plusieurs enfants.

Résultat ? En Amérique du Nord on dépense à peu près autant d’argent dans la prise en charge des frais de scolarité sans condition de ressource pour les classes de seconde, première et terminale, que dans les bourses scolaires sous conditions de ressources pour les élèves de la maternelle à la troisième. Quel gaspillage ! Quelle injustice !

Dans les écoles, des tensions se créent entre les familles qui touchent des bourses insuffisantes et celles qui bénéficient de la prise en charge alors qu’elles vivent très confortablement, et entre les familles françaises et les familles non françaises. Pour bien fonctionner, les écoles ont besoin d’élèves de toutes nationalités et de parents fortement impliqués dans la vie de l’école.

C’est pourquoi je propose, comme l’ensemble du Parti Socialiste et d’Europe Ecologie Les Verts, de supprimer laPEC, et de revenir à un système de bourses scolaires sous conditions de ressources pour toutes les classes.

Je propose d’abonder le budget des bourses scolaires de la majeure partie du budget de la prise en charge. En Amérique du Nord cela reviendrait à doubler le budget des bourses. D’un point de vue technique, actuellement les budgets de la PEC et des bourses sont deux lignes du même budget d’aide à la scolarité dans le programme 151 du Ministère des Affaires Etrangères. Cette réaffectation budgétaire peut donc se faire très simplement si la volonté politique est là, et elle existera avec une majorité parlementaire de gauche.

Par ailleurs, pour une meilleure justice sociale de ce système d’aide à la scolarité, je propose des barèmes régionalisés et donc mieux adaptés au coût de la vie, en particulier pour les familles de classe moyenne et les familles propriétaires de leur logement qui sont aujourd’hui très pénalisées par le barême actuel.

De cette façon, nous pourrons utiliser efficacement le budget d’aide à la scolarité : ces bourses profiterons à toutes les familles qui en ont vraiment besoin, sans gaspillage.

La promesse que faisait Nicolas Sarkozy d’un accès gratuit à l’école française pour tous les enfants français a toujours été une promesse démagogique intenable. Non seulement parce que la PEC est une mauvaise mesure, injuste et coûteuse. Mais aussi parce que c’est une erreur de ne penser qu’aux écoles homologuées. Bien entendu elles jouent un rôle essentiel et c’est pourquoi il faut renforcer l’engagement de l’Etat dans ce réseau, mais on ne peut pas ouvrir de telles écoles partout où il y a des enfants français.

C’est pourquoi je propose aussi des solutions alternatives pour les familles qui vivent hors agglomération, ou dans des grandes villes où la demande est suffisante pour le développement de plusieurs offres éducatives complémentaires.

-Corinne Narassiguin