Création des emplois d’avenir : une mesure d’urgence très salutaire

L’Assemblée nationale vient d’adopter en 1ère lecture le texte sur les emplois d’avenir. Les emplois d’avenir qu’est-ce que c’est ? Ce sont 150 000 emplois qui seront créés d’ici à 2014 pour un public très ciblé : les jeunes de 16 à 25 ans sortis très peu ou pas du tout qualifiés du système scolaire, et qui n’arrivent pas à s’insérer sur le marché du travail. Ces emplois concerneront prioritairement le secteur non marchand et les activités ayant une utilité sociale, mais ils seront également ouverts sous condition au secteur marchand.

L’objectif est de donner une première expérience et une qualification à une partie importante de ces 500 000 jeunes qui, dans notre pays, sont actuellement sans travail ni formation. Ces emplois seront de qualité : CDD ou CDI, à temps plein, ils seront assortis d’un volet formation faisant l’objet d’un suivi.

Comme je m’en suis déjà expliquée sur ce site et dans la presse, le bouleversement tardif du calendrier parlementaire ne m’a pas permis d’intervenir dans l’hémicycle sur ce texte, ayant un déplacement en circonscription prévu de longue date. Toutefois, je tiens à vous faire part de ma position sur cette mesure.

Sur le principe, j’ai tendance à être un peu méfiante vis-à-vis des emplois aidés. Je pense qu’il est toujours meilleur de favoriser le dynamisme du tissu économique pour favoriser la croissance, l’innovation et l’emploi. Cependant, compte tenu du contexte, cette création des emplois d’avenir est véritablement salutaire :

  • d’abord parce qu’ils ne sont qu’un volet d’un projet d’ampleur qui remet la politique économique au cœur de l’action publique. Notre pays retrouve enfin une politique industrielle digne de ce nom, une amélioration des conditions d’activité des PME-PMI est en cours, et dans ce cadre, un soutien particulier à l’emploi est tout à fait positif ;
  • ensuite parce que le texte de loi vise des activités à forte utilité sociale et les filières économiques d’avenir. Nous savons que la France doit s’engager dans certaines activités innovantes et porteuses, comme celles liées à la « filière verte ». Les emplois d’avenir ne sont pas en ce sens des emplois aidés seulement pour leurs titulaires, mais ce sont aussi des emplois qui aideront certains secteurs de l’économie française ;
  • enfin parce que le chômage est un phénomène socio-économique qui, s’il s’inscrit dans la durée, a des conséquences extrêmement grave pour la société dans son ensemble. Je voudrais citer ici l’économiste Paul Krugman, ancien Prix Nobel, qui dans son dernier ouvrage « Sortez-nous de cette crise…maintenant ! » consacre le premier chapitre à l’analyse des effets dramatiques du chômage de longue durée. Il y a bien sûr le drame humain que la perte d’un emploi constitue lorsque la perspective d’en trouver rapidement un autre semble incertaine, mais il y a aussi la perte de compétences liées à l’inactivité durable, le coût économique lié à la baisse de la consommation et à la perte éventuelle des biens immobiliers. Bref, la résilience de nos économies face au chômage est un mythe, et ceci implique de savoir répondre aussi dans l’urgence aux situations de sous-emploi lorsque celles-ci frappent avec une ampleur aussi extraordinaire des catégories de population bien identifiables.

Dans ce cas, il s’agit de cibler en particulier les jeunes sans ou avec peu de qualifications, vivant dans des zones urbaines ou rurales souvent dévastées par le chômage, et en conséquence rongées par une déprime qui tire toutes les générations vers le bas et une partie de ces jeunes vers l’acceptation de la précarité comme normalité et même vers la délinquance. Acquérir un emploi qualifiant, développer des compétences professionnelles, prendre conscience de son utilité sociale, c’est poser la première pierre pour reconstruire sa confiance en l’avenir.

La création des emplois d’avenir a un coût : l’Etat s’y engage à hauteur de 2.3 milliards d’euros. Mais les contreparties tant en termes d’activité économique que de prestations sociales devraient largement compenser cette dépense. Nous ne pouvons laisser une large part de notre jeunesse s’éloigner du monde du travail sans rien faire. C’est le premier pas d’une politique de l’emploi redevenue volontariste, et qui devrait se prolonger très bientôt par la mise en place du contrat de génération.