Présidentielle US 2012 : pourquoi Barack Obama peut décevoir

Tribune publiée dans Le Plus L’Obs

Chicago, Illinois. Lors d’un déplacement en tant que députée ce samedi 5 octobre, la ville ne bruisse que d’une question : « mais que diable lui-est-Il arrivé ? ». « Il », c’est l’enfant du pays, celui qui fait la fierté de Chicago et de l’État, l’actuel président des États-Unis, Barack Obama. Celui qui, le soir du premier débat présidentiel a, de l’avis général, été battu à plates coutures par son rival républicain Mitt Romney, à un mois du scrutin fatidique.

Emballement médiatique

Il est pourtant impossible de faire des pronostics sur la base de ce premier des trois débats. Après tout, à l’exception de Bill Clinton en 1996, aucun président sortant n’a « gagné » le premier débat. Cela n’empêche pas l’emballement médiatique, surtout au vu de sondages de nouveau très serrés.

Déjà 13 années passées aux États-Unis et je ne suis plus surprise mais toujours consternée de voir la manière dont le débat s’organise dans les médias. Sur Fox News et les chaînes proches des Républicains d’une part, et sur MSNBC et les chaînes proches des Démocrates d’autre part, des panels d’éditorialistes, de journalistes politiques et de responsables publics commentent pendant des émissions entières les prestations d’Obama et Romney, au prix de moultes caricatures et sans se poser à aucun moment la question d’une objectivité journalistique qui paraît de toute façon trop éloignée pour que l’on s’en revendique.

Finalement les humoristes et satiristes – bien que clairement engagés du côté des Démocrates – sont souvent ceux qui apportent l’éclairage le plus intéressant sur les camps des deux candidats, comme sur la couverture médiatique de la campagne.

Si la piètre performance d’Obama lors du débat a effectivement de quoi surprendre, la configuration des forces en présence pour la présidentielle était quant à elle plutôt prévisible.

Obama 2008 vs Obama 2012

Obama n’a finalement créé une déception dans le pays que parce que beaucoup n’ont pas voulu voir ce que, déjà en 2008, il représentait. Barack Obama est un homme de changement, attaché au progrès, cela ne fait aucun doute. Mais c’est quelqu’un qui considère que le progrès ne peut pas être atteint au prix de la victoire d’un camp contre un autre. Plus que tout, il a toujours tenté de dépasser les partis politiques qu’il considère comme un problème plus que comme une solution, et a recherché le consensus en permanence, même pendant son mandat présidentiel.

En faisant cela, il a déçu à deux égards :

– D’une part, sa sensibilité centriste est apparue au grand jour, même s’il ne l’avait au fond jamais cachée, ni pendant la primaire démocrate, ni pendant la campagne présidentielle. Mais à l’époque, la forme avait dépassé le fond et son image personnelle avait à elle seule suffit à porter l’idée de changement radical, alors que lui-même n’a jamais prôné ce changement radical, moins en tous cas qu’une Hillary Clinton beaucoup plus marquée à gauche sur les questions économiques et sociales.

– D’autre part, il n’incarne pas un président très fort, à l’inverse de la plupart de ses prédécesseurs. Homme du consensus, il n’a pas voulu s’imposer face au Congrès dans les deux premières années de son mandat, alors qu’il y bénéficiait de la majorité, se mettant dans une situation compliquée pour la poursuite de ses réformes, notamment celle de l’assurance maladie. Il s’est ainsi condamné depuis deux ans à une cohabitation dure et paralysante avec le Congrès. En ce sens, il est plus un parlementaire dans l’âme qu’un président, même si cela ne l’a pas empêché de remplir parfaitement son rôle constitutionnel.

Dans ce contexte économique et politique difficile, comment expliquer qu’il a empêché les choses d’empirer, et que les politiques publiques qu’il défend sont les meilleures pour redresser lentement mais sûrement l’économie américaine ? Voilà le défi que Barack Obama doit relever dans cette campagne.

Et, dans ce pays qui cherche à se rassurer sur son statut d’hyperpuissance dans un monde en crise, et aime appeler son président « le leader du monde libre », les électeurs doivent choisir entre un président sortant qui veut convaincre sans agressivité, et un challenger qui – de l’aveu même de son équipe de campagne – trace sa ligne idéologique sur un écran magique.