Tribune publiée dans Le Huffington Post
Ils sont Français. Ils sont jeunes, diplômés du MIT ou des universités de la Ivy League (1). Ils ont parfois mené des recherches de haute volée dans un domaine de pointe et sont précurseurs dans leur spécialité. D’autres ont fait des études brillantes en France où en Europe, certains y ont commencé leur carrière, puis ils ont été embauchés par des entreprises américaines ou canadiennes conscientes de la valeur de leurs compétences et de leur expérience.
Ils ont acquis outre-Atlantique une formation et une expérience particulières, dont la qualité et l’originalité est une richesse que la France serait bien insensée d’ignorer. Ne serait-ce que par leur perspective de Français vivant hors de France, quel que soit leur niveau d’étude ou d’expérience, leur approche des problématiques permet d’apporter une vision différente des débats nationaux, ce qui est toujours intéressant.
D’ailleurs, ces Français sont bien souvent tout à fait prêts à revenir faire profiter la France de leurs talents. En tant que députée des Français d’Amérique du Nord, je reçois fréquemment des demandes de la part d’expatriés qui aimeraient se réinstaller dans l’hexagone, mais ont du mal à mettre en place un vrai projet de retour.
Les obstacles qu’ils rencontrent sont rarement administratifs, même si toute installation dans n’importe quel pays implique de remplir des formalités, ce qui n’est jamais le moment le plus agréable d’un déménagement. Non, ces obstacles sont avant tout économiques. Pour les entrepreneurs, notamment ceux qui ont un projet particulièrement innovants, ils se heurtent à la difficulté de trouver des financements auprès de banques françaises caractérisées par une forte aversion au risque. Ils sont également confrontés au nombre insuffisant de Business Angels et de fonds de capital-risque dans notre pays. Ainsi, si les Français ont la culture de l’innovation, contrairement à l’idée communément reçue, la France ne dispose pas de structures adaptées de financement de l’innovation.
C’est pourquoi la création dans les prochaines semaines d’une Banque Publique d’Investissement (BPI) pour soutenir le financement des PME, l’une des principales promesses de François Hollande pendant la campagne présidentielle, est une excellente nouvelle. Le rapport de la mission de préfiguration le 31 juillet a posé les jalons de ce qui pourrait devenir non seulement un acteur majeur du financement du tissu de petites et moyennes entreprises dans notre pays, mais aussi un acteur proactif dans la recherche de marchés porteurs sur le territoire national.
Il est pour moi extrêmement important de donner aux Français de l’Etranger un accès facile à ce nouvel acteur. Pour eux, en effet, la difficulté d’accès au crédit est démultipliée : subissant comme les autres les effets du credit crunch, ils doivent de plus affronter les difficultés administratives liées à la distance. Découragés, certains finissent par investir dans leur pays de résidence, alors que leur souhait initial était de créer de l’activité et de l’emploi en France.
A cet égard, il me paraît tout à fait souhaitable que soient inclues dans l’offre d’un futur « comptoir unifié » les produits d’Ubifrance (2) et de Coface (3), comme l’a préconisé la mission de préfiguration de la Banque Publique d’Investissement. Cela ne sera toutefois pas suffisant pour favoriser le retour en France d’entrepreneurs. Ces deux structures sont des acteurs majeurs du rayonnement de l’économie française à l’international, mais l’une est essentiellement tournée vers l’export des entreprises françaises vers l’étranger, l’autre très spécialisée dans la couverture des risques commerciaux. L’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII), de son côté, n’est compétente que pour les investissements d’une ampleur particulière.
Je suis favorable à ce que la BPI devienne un véritable acteur de l’accompagnement des entreprises dans leurs projets, et qu’elle puisse également identifier et démarcher les entreprises en croissance susceptibles de bénéficier de l’appui de la BPI. Je militerai pour qu’elle adopte une attitude résolument proactive, notamment pour proposer de faire bénéficier de son effet levier les projets d’entreprise des expatriés, qu’ils souhaitent rentrer en France pour créer leur entreprise ou développer une filiale française de leur entreprise existante.
Enfin, puisque la BPI sera organisée en directions régionales, je tiens à souligner l’importance d’inclure dans chacun des futurs guichets uniques régionaux un bureau des Français de l’étranger qui puisse faciliter l’accès de nos concitoyens établis hors de France aux outils publics de financement et les conseiller sur les bassins d’emplois et d’activités les plus pertinents pour investir. Des acteurs existants comme l’AFII disposent de l’expertise nécessaire pour participer à la gestion de ces bureaux, notamment par leur expérience de mise en relation entre investisseurs à l’étranger et pôles de compétitivité régionaux en France.
Je connais la formidable manne de compétences, d’énergie et de créativité que constitue la communauté de nos concitoyens expatriés. Ne la laissons pas à l’état de gisement. Sachons associer au redressement de notre pays les Français de l’étranger !