Mariage pour tous et filiation, un seul et même vote

Tribune par Erwann Binet et Corinne Narassiguin, publiée dans Libération

Après la dépénalisation de l’homosexualité en 1982, l’instauration du pacte civil de solidarité (pacs) en 1999, nous sommes fiers de faire partie des députés de gauche qui défendront dans les prochains mois le mariage pour tous. Son aboutissement soldera l’un des engagements de François Hollande, pris devant les Français et adopté par eux. Si la France a été pionnière sur le chemin de cette égalité avec le pacs, elle a depuis pris beaucoup de retard. Neuf pays en Europe, treize dans le monde et neuf Etats américains ont déjà ouvert ce droit, de nombreux autres s’interrogent et débattent. Notre république s’honorera à mener l’un des derniers combats pour l’égalité. Dans tous les pays où le mariage et la parentalité pour tous sont reconnus, les mêmes débats ont eu lieu, et au final aucun des dégâts sociétaux prophétisés par les opposants ne s’est réalisé. Mais il ne suffit pas de citer les exemples internationaux pour convaincre, la société française doit avoir ce débat pour elle-même, et aller au bout de toutes les questions soulevées. Le Parlement doit prendre le temps d’en examiner toutes les ramifications juridiques. Avec le gouvernement, il doit concevoir et voter une loi bien comprise par la société française.

Le pacs a constitué une étape essentielle dans le chemin vers la reconnaissance sociale et l’accès aux droits des couples homosexuels. Doit s’ajouter aujourd’hui la reconnaissance juridique par l’accès au mariage. Les Français y sont prêts. La loi qui naîtra des discussions au Parlement ne doit pas être une étape supplémentaire dans l’acceptation des couples homosexuels. Elle doit être un aboutissement. En ce sens, le droit au mariage engage pour nous toutes ses conséquences sur la filiation. Le droit à l’adoption pour les couples de même sexe doit être entériné. La question de l’insémination artificielle pour les couples de femmes doit être clairement posée. Aujourd’hui, nombre d’entre elles se rendent chez nos voisins les plus proches, en Belgique ou en Espagne, pour y accéder librement. Sur un sujet qui touche les fondamentaux de la vie en société et de la vie de famille, chacun se sent légitimement concerné. Si le dialogue avec les religieux doit s’organiser, il ne doit être ni exclusif ni excluant. Les impressions et les sentiments doivent laisser la place aux arguments. Et l’inconfort, que l’idée du mariage homosexuel pourrait faire ressentir à certains, doit être écarté pour laisser place à notre principal objectif : combler par un cadre protecteur l’insuffisance manifeste de la loi actuelle. Chacun doit se rendre bien compte que se joue là le maintien ou non en dehors de la loi des enfants élevés par des couples désormais reconnus. Notre histoire montre que l’accès aux droits et aux libertés publiques s’est rarement fait dans une communion universelle. Attribuer des droits à certains groupes en a toujours offensé d’autres, parfois majoritaires. C’est là que la république s’impose pour s’assurer que la minorité sans pouvoir soit protégée de la «tyrannie» du plus grand nombre.