Certificat de vie : le terme peut paraître abrupt, et il l’est. Sous cette dénomination ne se cache en effet ni plus ni moins qu’un document par lequel les retraités doivent prouver leur existence pour continuer à bénéficier des versements de leurs caisses de retraite. Pour les Français résident en France, il peut s’agir de renvoyer à la caisse concernée une attestation sur l’honneur régulière, même si le plus souvent les recoupements d’information entre les administrations permettent d’éviter toute formalité.
En revanche, des circulaires ministérielles datant de 1963 exigent des justificatifs de vie qui doivent être fournis pour le versement de pensions françaises à l’étranger. De fait, les pensionnés résidant à l’étranger sont souvent confrontés à un parcours du combattant pour faire établir ces certificats de vie pour lesquels ils doivent se déplacer parfois sur des longues distances, sans possibilité de procuration, ce qui pour des personnes ayant parfois une santé fragile est extrêmement difficile, tant physiquement que psychologiquement.
L’Assemblée des Français de l’étranger a demandé à plusieurs reprises et avec raison la simplification des procédures administratives qui sont non seulement pénibles pour les retraités, mais qui aboutissent aussi en cas de retards dans la réception des certificats à la suspension du versement des pensions, avec les conséquences financières que cela peut-avoir.
Les députés des Français de l’étranger du groupe socialiste de l’Assemblée nationale ont donc déposé un amendement au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2013 qui visait à harmoniser la fréquence à laquelle les retraités établis hors de France doivent fournir un justificatif d’existence et à leur permettre de transmettre leurs justificatifs d’existence par voie télématique. En tout état de cause, le versement de la pension ne doit pas pouvoir être suspendu par la caisse par un simple retard.
Notre amendement
Voici le texte de l’amendement tel que nous le proposions (disponible sur le site de l’Assemblée le http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/0287/540.asp)
ASSEMBLÉE NATIONALE
19 octobre 2012
FINANCEMENT SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2013 – (N° 287)
AMENDEMENT N° 540
présenté par
Mme Poznanski-Benhamou, M. Amirshahi, M. Cordery, M. Le Borgn’, Mme Lemaire, M. Arnaud Leroy, Mme Narassiguin et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen |
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ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L’ARTICLE 63, insérer l’article suivant:
I. – Les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France doivent fournir une fois par an à leurs caisses de retraite un justificatif d’existence.
II. – Sous réserve de l’appréciation de la situation locale par les autorités consulaires françaises, les justificatifs d’existence peuvent être télétransmis.
III. – La suspension du versement de la pension de retraite dans le cas où le bénéficiaire ne justifie pas son existence ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai minimum d’un mois à compter de la date fixée par la caisse de retraite pour l’envoi du justificatif.
Vote en séance et amendement adopté
Grâce au travail avec la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale et avec la ministre Marisol Touraine, notre amendement sous-amendé a été adopté pour ce qui est de la fréquence de validation des certificats de vie (une fois par an au plus), et de la tolérance des retards pour éviter les suspensions intempestives de versements des pensions. La transmission télématique posant pour l’instant des problèmes techniques et réglementaires, cette partie de l’amendement n’a finalement pas été déposé, en accord avec le cabinet de la ministre car ils travaillent déjà à développer de nouvelles procédures dématérialisées.
Voici donc l’amendement tel qu’il apparaîtra dans la loi:
Article 63 quater (nouveau)
I. – Les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France doivent fournir une fois par an au plus à leurs caisses de retraite un justificatif d’existence.
II. – La suspension du versement de la pension de retraite dans le cas où le bénéficiaire ne justifie pas son existence ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai minimal d’un mois à compter de la date fixée par la caisse de retraite pour la réception du justificatif.
III. – Est autorisée la mutualisation des certificats d’existence, pour un même assuré, par l’ensemble des régimes obligatoires de retraite dans des conditions fixées par décret.
Mon intervention en séance
« Monsieur le Président, Mesdames les ministres, chers collègues,
Chers collègues, nous parlons d’un sujet sensible, très sensible même, pour les retraités résidant à l’étranger mais percevant une retraite française.
Certificat de vie ou justificatif d’existence : le terme est déjà abrupt. Mais imaginez qu’il vous faille régulièrement faire 500 ou 600 kilomètres pour vous présenter au consulat le plus proche, avec les coûts que cela implique. Pas de procuration possible : que vous soyez ou non dans un état de santé vous permettant raisonnablement d’entreprendre un tel voyage, il vous faut prouver votre existence. Je n’ai pas besoin d’insister sur la pénibilité, tant physique que psychologique, de cette épreuve.
En France, les recoupements administratifs permettent un versement régulier des pensions sans autre vérification que celle, administrative, des croisements de fichiers. À l’étranger, les retraités doivent faire la démarche parfois plusieurs fois par an, selon le bon vouloir des caisses concernées. Lorsque leur certificat de vie arrive, pour une raison indépendante de leur volonté, en retard, le versement de leur pension peut être retardé. Vous savez comme moi ce que peut être le niveau de retraite d’un pensionné modeste : vous comprenez donc les conséquences humaines que de tels retards peuvent avoir.
Cet amendement est raisonnable, dans l’attente d’un travail plus approfondi sur le sujet avec le Gouvernement. Je suis persuadée qu’au moins dans les pays avec lesquels nous avons des conventions de Sécurité sociale, cette formalité peut être abrogée par de nouveaux accords administratifs.
Pour le moment, nous souhaitons que les caisses de retraite ne puissent demander un certificat de vie qu’une seule fois par an au plus. D’autre part, au vu des techniques actuelles qui ont permis la dématérialisation de nombreuses formalités administratives, la prochaine étape devra être la simplification des transmissions par voie télématique des certificats validés.
L’amendement que nous proposons peut paraître très technique. Il vise pourtant à corriger une anomalie dont les conséquences humaines peuvent être gravissimes. Je ne souhaite à personne de voir, comme je l’ai vu, des personnes âgées malades, fatiguées par un voyage éreintant, en pleurs dans un consulat parce qu’on leur demande de prouver qu’elles ne sont pas encore mortes ! »