L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe

Une avancée pour l’égalité

Durant ma campagne électorale, je m’étais engagée à porter avec fierté et conviction la défense de l’égalité des droits pour les couples homosexuels.
L’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples de personnes de même sexe relève d’un impératif d’adéquation du droit et de la société : il est nécessaire que la loi évolue pour que les couples homosexuels et les familles homoparentales soient pleinement reconnus dans leur humanité et dans leur amour. Il ne doit pas exister de place dans la République pour la discrimination, l’intolérance et l’homophobie. Il ne peut y avoir de quelconque hiérarchie entre les familles. J’ai donc toujours soutenu cet engagement de François Hollande et je suis prête à le défendre et à l’élargir.

Ayant obtenu des responsabilités sur ce texte de loi en tant que responsable pour le groupe socialiste, j’ai souhaité échanger avec vous sur vos attentes, vous expliquer mon rôle et mes ambitions pour ce texte.
J’ai tenu, samedi 10 novembre, une webconférence publique concernant le projet de loi visant à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de mêmes sexes, adopté en Conseil des Ministres le mercredi 7 novembre. Vous avez été nombreux à me rejoindre, et je remercie les 130 personnes, sur les 290 inscrits, d’avoir participé activement au débat. Ci-dessous les réponses aux principales questions qui m’ont été posées lors de la conférence.
Suite aux auditions et aux travaux effectués en groupes de travail, le projet de loi sera discuté en séance publique à l’Assemblée Nationale à partir de la fin janvier 2013.

FAQ

Pourquoi ne pas procéder à un référendum ?
Ce projet de loi est la concrétisation de l’engagement 31 du président de la République. Ce programme, connu et largement diffusé, a été accepté par les Français qui ont porté François Hollande à la présidence de la République le 6 mai dernier. Ce choix a été confirmé en juin dernier, lorsque les Français ont donné une majorité parlementaire au président nouvellement élu. Ainsi, un débat national a été lancé. Le Parlement est l’instance délibérative de nos institutions. Il permet une très large discussion avec l’expression de tous les points de vue, à travers de nombreuses auditions, avant de procéder à l’examen du texte en lui-même. Ce débat est public et largement retransmis.
De plus, un référendum sur ce projet encourrait un risque d’inconstitutionnalité, au titre de l’article 11 de la Constitution. Ce dernier ne prévoit pas qu’un référendum puisse être organisé sur une question de société. Dans une décision du 28 janvier dernier, le Conseil constitutionnel, saisi sur la question du mariage pour tous, indiquait d’ailleurs que cette question relevait du législateur. François Hollande a par ailleurs confirmé durant la campagne que le referendum devait être réservé aux changements constitutionnels pour lesquels un vote du parlement réuni en congrès n’était pas satisfaisant.

Pourquoi le PACS ne suffit-il pas ?
Au-delà d’obtenir le choix de se marier ou non, et donc de divorcer, le mariage offre un régime juridique plus avantageux. Le mariage induit des obligations importantes entre les époux, notamment le devoir légal de secours et d’assistance ou la solidarité des dettes ménagères ou contractées pour l’éducation des enfants. Un autre point important à prendre en compte concerne également le patrimoine. En cas de décès, l’époux survivant hérite automatiquement des biens, étant exonérés des droits de succession. Les personnes pacsées, elles, doivent rédiger un testament pour hériter (mais bénéficient d’une exonération des droits de succession depuis 2007). Une revendication de longue date des couples LGBT touche à la pension de réversion, en cas de décès d’un des conjoints, ce qui n’est prévu que dans le cadre du mariage. Il est d’ailleurs intéressant de préciser que le nombre de PACS contractés entre deux personnes de même sexe ne représente que 6% du total.

Est-ce qu’un mariage célébré à l’étranger par les autorités locales sera reconnu en France ?
La loi prévoit la reconnaissance des mariages enregistrés au consulat et retranscrit par le service de l’Etat civil. Pour les mariages de même sexe faits après l’adoption de la loi dans un pays ou Etat dans lequel la législation l’autorise, ils seront reconnus après déclaration au consulat comme pour un mariage entre personnes hétérosexuelles.

Est-ce qu’un mariage célébré à l’étranger avant la promulgation de la loi aura des effets en France ?
L’article 22 (Chapitre IV) du Projet de loi prévoit la transcription des mariages homosexuels célébrés avant l’entrée en vigueur de la loi, dans les conditions prévue au code civil (âge, consentement, présence…). A compter de la date de transcription, il produit effet à l’égard des tiers.

Est-ce que le mariage entre personnes de même sexe sera reconnu dans les autres pays ?
L’autorisation ou l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe est régie par les lois nationales de chaque Etat. En l’absence de consensus entre les Etats, c’est aux législateurs nationaux de déterminer les lois du pays. Cette règle s’applique donc pour la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe par les pays qui ne reconnaissent pas ce type de législation.
Seuls six pays, en Europe, ont légalisé le mariage entre personnes de même sexe : Pays-Bas, Espagne, Belgique, Portugal, Norvège et Suède. Dans ces six pays, la transcription s’effectuera de manière identique à celle appliquée au mariage entre personnes de sexe différent. Le Canada et certains états des Etats-Unis ont également légalisé le mariage entre personnes de même sexe.
Par ailleurs, l’application de la loi sur le territoire français ne souffrira d’aucune exception, signifiant que les couples formés d’un français et d’un étranger ou bien de deux étrangers dont la loi personnelle prohibe le mariage homosexuel pourront se marier.

Pourra-t-on célébrer des mariages de couples de personnes de même sexe dans un consulat à l’étranger ?
La célébration d’un mariage pour un couple de personnes de même sexe dans un consulat à l’étranger peut poser problème dans le cas où la célébration constituerait un trouble à l’ordre public local.
Dans ce cas, et selon la Convention de Vienne du 24 avril 1963 dont la France est signataire, il ne serait donc pas possible, en principe, de procéder à la célébration du mariage.
Art 5 paragraphe m : Les fonctions consulaires consistent à « Exercer toutes autres fonctions confiées à un poste consulaire par l’Etat d’envoi que n’interdisent pas les lois et règlements de l’Etat de résidence ou auxquelles l’Etat de résidence ne s’oppose pas ou qui sont mentionnées dans les accords internationaux en vigueur entre l’Etat d’envoi et l’Etat de résidence. »
De plus, toutes les ambassades et tous les consulats français ne sont pas accrédités à célébrer les mariages. Il convient donc de se renseigner avant toutes démarches.

Les maires auront-ils la possibilité de refuser de marier des couples de même sexe ?
Le maire applique la loi et s’y soustraire l’exposerait à des sanctions administratives : suspension, révocation jusqu’à la démission d’office. De plus, l’article 432-1 du Code pénal punit « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi ». Le droit de délégation existe déjà, le maire pouvant confier à ses adjoints la mission de marier les couples qui se présentent, au nom de l’Etat. Néanmoins, ce droit de délégation n’est pas une clause de conscience. Comme l’a rappelé la garde des sceaux Christiane Taubira à plusieurs reprises, la célébration du mariage sera assurée dans chaque commune de France.

En quoi l’adoption est-elle liée au mariage?
Dans l’état actuel de la loi, l’adoption n’est possible que pour des couples mariés hétérosexuels depuis plus de deux ans ou tous deux âgés de plus de 28 ans, et pour les célibataires de plus de 28 ans. Il est donc impossible pour un couple « stable », c’est-à-dire pacsé ou en concubinage d’adopter conjointement.
Le but du projet de loi est d’abord de garantir la sécurité des enfants en leur donnant le même statut et les mêmes droits que les enfants de parents hétérosexuels. Son ouverture n’en change pas les modalités existantes : adoption individuelle ou conjointe, simple ou plénière. Les couples de même sexe seront soumis aux mêmes exigences : sérieux du projet parental, équilibre de vie…
Ainsi, dans le cadre du projet de loi proposé par le gouvernement, l’adoption en constitue le Titre II, les couples homosexuels seraient dans l’obligation de se marier afin de procéder à une adoption de l’enfant de leur conjoint, cas le plus courant. C’est pourquoi nous sommes actuellement en train d’étudier les possibilités d’ouvrir l’adoption aux couples stables. Néanmoins, il n’est pas sûr que cette réforme ait sa place dans le cadre de ce projet de loi, d’un point de vue juridique. Une loi plus complète sur la famille, évoquée par la ministre en charge de la famille, Dominique Bertinotti, pourrait être intéressante sur une réforme du système d’adoption.
Dans tous les cas, l’objectif de cette réforme n’est pas de créer des parents A, B, 1 ou 2, les termes « pères » et « mères » étant sauvegardés dans le Code civil.

La PMA va-t-elle être ouverte dans le cadre du projet de loi ?
Aujourd’hui, pour bénéficier de la PMA, il faut être un couple, marié ou non (la condition de deux ans de vie commune a été supprimée par la loi du 7 juillet 2011), composé d’un homme et d’une femme pouvant certifier d’une infertilité pathologique ou d’une maladie d’une particulière gravité risquant d’être transmise à l’enfant ou à un membre du couple.
Quand on parle de PMA, on regroupe sous ce nom l’Insémination artificielle avec Donneur (IAD), la Fécondation In Vitro (FIV) et l’accueil d’embryon.
Je pense qu’il faut en terminer avec une certaine hypocrisie qui consiste à dire que ce projet de loi va créer ces familles. Les enfants nés par PMA et élevés par des couples de lesbiennes existent, comme en témoignent les associations de parents LGBT que nous avons auditionnées à l’Assemblée nationale. Quant à la question de la bioéthique, elle est déjà tranchée, la PMA se pratique dans notre pays depuis longtemps.
Si nous n’ouvrons pas la possibilité, dans un cadre juridique précis, pour les couples de lesbiennes de recourir à la PMA, ces dernières continueront à se rendre à l’étranger. Si on s’en tient au projet de loi actuel, la femme qui accouchera sera la mère biologique et la conjointe mariée pourra ensuite adopter l’enfant de sa compagne. Cette situation, pour le moins incomplète, permettrait de reconnaître cet enfant sans s’occuper de savoir comment il est né. Pourtant, les conditions médicales de suivies restent précaires. Ces interventions sont lourdes et nécessitent un suivi médical régulier et précis.
Enfin, pour de plus en plus de couples de femmes procèdent à des inséminations artisanales, avec un donneur ami connu, ou parfois avec un donneur trouvé par internet, avec de nombreux risques sanitaires et juridiques.
C’est pourquoi le groupe socialiste pourra éventuellement, et je suis déterminée à ce que cela puisse se faire dans de bonnes conditions, déposer un amendement ouvrant la PMA aux couples de femmes. Comme pour les couples hétérosexuels, il n’y aurait pas de condition de mariage obligatoire, cela s’étendrait pour tous les couples dits stables, pacsés, concubins, etc.

Le texte prévoit-il la légalisation de la Gestation pour Autrui (GPA) ?
Ce n’est pas à l’ordre du jour. Un débat sur la Gestation pour Autrui nécessiterait une révision des lois bioéthiques, ce qui n’est pas envisagé dans le cadre de ce projet de loi. . En effet, la GPA touche à l’indisponibilité de l’état de la personne et du corps humain. La question de la marchandisation est aussi prégnante.
Cependant, le problème qui se pose est la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ne pouvant voir leurs liens de filiation reconnus sur le territoire français et n’ayant donc pas accès à la nationalité, beaucoup d’enfants se trouvent séparés de leurs parents. Dans les cas les plus extrêmes, ils sont apatrides si le droit du sol n’est pas établi dans le pays de naissance. Ces enfants n’ont pas à subir le choix de leurs parents et doivent pouvoir bénéficier d’une filiation. C’est dans cette optique que, tout en évitant un possible tourisme reproductif, il faut réfléchir à des moyens permettant d’assurer à ces enfants une sécurité juridique dans le cadre de leur famille.

Qu’en est-il de la lutte contre les discriminations ?
Ce projet de loi fait partie d’un tout, c’est un grand pas en avant nécessaire pour l’égalité institutionnelle des droits des couples homosexuels mais aussi de leurs familles. Nous devons lutter contre l’homophobie et c’est au contraire en refusant de garantir l’égalité aux familles homoparentales que nous légitimerions certains comportements et propos discriminatoires. C’est également dans le cadre de la lutte pour l’égalité que la Ministre Najat Vallaud-Belkacem a présenté un programme d’action gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.