L’article 34 de la Constitution dispose que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Elle est votée à chaque fin d’année pour l’année suivante. C’est ce que l’on appelle couramment le vote du budget.
Cependant, il arrive que ce budget ait besoin d’être modifié en cours d’exercice, soit pour le réajuster en fonction de la conjoncture économique ou des problèmes de répartition qui sont constatés, soit parce qu’une majorité décide de prendre de nouvelles orientations fiscales ou en matière de dépenses. Dans ce cas-là, le gouvernement peut proposer au Parlement un projet de loi de finances rectificative. Il y a fréquemment 3 ou 4 de ces « PLFR » par an.
Un 3e PLFR pour 2012 vient justement d’être déposé le 14 novembre à l’Assemblée nationale. Plutôt que d’en faire ici une explication seulement technique, je souhaitais aussi le replacer dans le cadre de la stratégie budgétaire qui est celle de la majorité présidentielle. En effet, si je comprends parfaitement que chacun s’intéresse aux mesures qui auront un impact direct sur son propre budget, il ne faut pas oublier que le budget est un élément essentiel de la gestion du pays et un des éléments clés de son redressement économique.
Les engagements de François Hollande et du gouvernement sur le budget
Pendant les campagnes présidentielle et législative, les candidats socialistes s’étaient engagés à rétablir le budget de la France pour arriver à des comptes de l’Etat équilibrés en fin de mandature. Les objectifs fixés étaient de revenir dans un premier temps à un déficit de 4,5% pour 2012 et de 3% pour 2013.
La loi de finances pour 2012 avait été votée comme il se doit à l’automne 2011 par la précédente majorité et prévoyait un déficit de 4,5%. Mais, en juillet 2012, la Cour des Comptes avait rendu un audit prévoyant, compte tenu de la situation à fin juin, un risque de dépassement de budget estimé de 1,2 à 2 milliards d’euros. Autrement dit, les dépenses sur les 6 premiers mois de l’année avaient dépassé le seuil pouvant raisonnablement laisser penser que les objectifs du budget 2012 seraient tenus.
A son arrivée au pouvoir, la nouvelle majorité se trouvait donc face à un budget a priori satisfaisant du point de vue de son objectif global de déficit, mais qui était en passe d’être très largement dépassé, notamment parce que les prévisions de croissance sur lesquelles s’adossaient ce budget n’étaient pas réalistes. De plus, la répartition des recettes et des dépenses n’était quant à elle pas du tout satisfaisante ni en termes de justice sociale et ni en termes d’efficacité économique. Ce sont ces éléments qui ont conduit à la définition et au vote d’un projet de loi rectificatif pour 2012 (qui était déjà le deuxième car la majorité précédente en avait adopté un premier en mars 2012).
1ère étape- Le PLFR de juillet 2012
Le projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 en bref : l’idée était de réévaluer les recettes et donc les dépenses du budget 2012 compte-tenu de prévisions de croissances plus réalistes et en prenant en compte les chiffres des 6 premiers mois de l’année. Des mesures en « recettes » ont été prises, comme l’extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers des non-résidents. En dépenses, certaines sommes ont été re-ventilées, passant d’un programme à un autre. C’est lors de ce projet de loi de finances qu’il a été décidé de ne pas attribuer de sommes à la Prise en Charge PEC (il n’y a en revanche pas eu besoin d’en supprimer puisque la PEC n’avait pas été budgétée par le précédent gouvernement) et de supprimer ce mécanisme dans l’attente de pouvoir revaloriser le système de bourses dans le PLF 2013 (cela n’aurait eu aucun sens d’augmenter l’enveloppe des bourses à ce moment là puisque la 1ère commission était déjà passée et que la 2e commission n’utilise que les crédits de l’année suivante). En revanche, un fonds de réserve était disponible dès juillet pour parer aux difficultés particulières liées à la suppression de la PEC.
Dès juillet 2012, des mesures étaient donc prises pour respecter les objectifs budgétaires et revenir à un budget plus juste et plus efficace économiquement.
2ème étape- Le PLF pour 2013
Le projet de loi de finances pour 2013 ne revient pas sur le budget de 2012 mais prévoit lui les recettes et les dépenses pour l’année prochaine. Les budgets sont indépendants les uns des autres mais se basent bien sur le résultat prévisionnel du budget précédent. De la bonne exécution du budget de l’année n dépend la justesse du budget de l’année n+1. Si le budget de l’année n a par exemple un déficit plus important que prévu, on corrige les prévisions par une première loi de finances rectificatives en début d’année.
J’ai déjà indiqué sur ce site les positions que j’avais prises avant et pendant le débat sur le PLF 2013. Dès que ce texte sera définitivement voté (c’est-à-dire après son retour du sénat), vous disposerez sur ce site d’un dossier explicatif actualisé.
3ème étape- Le 3e PLFR pour 2012, déposé le 14 novembre devant l’Assemblée nationale
Ce PLFR a trois objectifs principaux :
1/ Couvrir les insuffisances de crédit repérées par la Cour des comptes en juillet 2012. Pour maintenir l’équilibre budgétaire global, des crédits sont ouverts mais en respectant deux principes : le principe d’auto-assurance qui permet de compenser, dans un même programme budgétaire, les ouvertures de crédits par des annulations équivalentes (lorsque l’on constate une consommation inférieure aux prévisions par exemple) et le principe de solidarité, qui fait que lorsque qu’une compensation n’est pas possible dans un même programme, on mettra à contribution les autres programmes où tous les crédits n’ont pas été consommés. Ainsi, on ne dépense pas plus, on réattribue.
2/ Lutter contre la fraude fiscale. Le compte-rendu du Conseil des ministres a ainsi considéré que « les Français appelés à faire des efforts pour participer au redressement des comptes publics dans la justice ne comprendraient pas que certains puissent se soustraire à leur juste contribution par des manœuvres illégales ou des optimisations abusives. Les mesures de lutte contre la fraude fiscale visent d’abord à contraindre les contribuables soupçonnés de fraude à davantage de transparence vis-à-vis de l’administration. Un contribuable refusant de dévoiler l’origine de sommes non déclarées placées à l’étranger verra celles-ci présumées provenir d’une donation et taxées à 60 %. L’obligation de justifier les encaissements sur ses comptes sera également rendue plus opérante et jouera lorsque les encaissements excèdent les revenus déclarés de plus de 200 000 € par an. » Cette mesure est très positive et montre que le gouvernement ne confond pas, comme certains ont pu le dire, Français de l’étranger et exilés fiscaux, et qu’il est bien conscient que la fraude fiscale est avant tout le fait de résidents en France qui dissimulent des revenus par de savants placements à l’étranger.
3/ Réformer le système des garanties à l’exportation, dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Le projet de loi simplifie l’octroi des soutiens financiers exports pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire, met en place un mécanisme de refinancement privé des crédits à l’exportation ainsi qu’un mécanisme de financement public direct des exportations comme cela existe notamment en Allemagne. Ce dernier mécanisme aura vocation à n’être utilisé qu’à titre exceptionnel, lorsqu’une entreprise française sera face à un concurrent bénéficiant lui-même d’un soutien financier direct de la part de son propre Etat.
4/ Mettre en œuvre le Pacte national pour la Croissance, la Compétitivité et l’Emploi.
En plus de la réforme des aides à l’exportation qui va également dans ce sens, le crédit d’impôt compétitivité-emploi est mis en place dès maintenant.
Mes prochaines actions en matière budgétaire
Le 3e PLFR n’est pas le bon texte pour re-déposer les amendements concernant, notamment, le taux d’imposition des non-résidents sur les revenus immobiliers, la déductibilité des charges ou encore l’allongement du délai d’exonération pour les ventes immobilières, puisque le PLFR modifie le budget 2012 pour clôre sa bonne exécution qui courra jusqu’à la fin du mois de décembre.
Je ne peux pas non plus redéposer ces amendements pour la 2nde lecture du projet de loi de finances pour 2013, qui va également avoir lieu dans les jours qui viennent, parce que des amendements créant des dispositions nouvelles ne peuvent être déposés qu’en première lecture. En revanche, je poserai de nouveau ces amendements sur le 1er projet de Loi de Finances Rectificative (PLFR) qui se présentera en 2013, très probablement au cours du 1er semestre.