Mission d’information sur la transparence dans la gouvernance des grandes entreprises

Un point d’étape

J’ai donné cette semaine une interview à Libération, depuis Ottawa où j’étais ce week-end. Cela m’a permis de faire le point sur l’un des volets de la mission d’information sur la transparence dans la gouvernance des grandes entreprises: la rémunération des dirigeants de grande entreprises. Cette interview intervenait quelques heures après la publication du rapport de Proxinvest qui constate une hausse de ces rémunérations souvent déconnectée des résultats de l’entreprise. Le rapport qu’avec les membres de la mission et notamment le co-rapporteur de l’UMP Philippe Houillon nous allons remettre début février couvrira des problématiques beaucoup plus larges.

Mission d’information sur la gouvernance des grandes entreprises

Interview La députée PS Corinne Narassiguin, rapporteure d’une mission parlementaire sur le sujet, donne de premières pistes de réforme.

Recueilli par Dominique ALBERTINI

Malgré la crise, les salaires des grands patrons français poursuivent une hausse parfois déconnectée des résultats de leur entreprise. Le gouvernement s’est emparé de la question : après avoir plafonné par décret la rémunération des dirigeants d’entreprises publiques, il devrait déposer en mars un projet de loi sur celle des patrons du privé.

Une question sur laquelle planche aussi une mission parlementaire d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises. Son rapporteure, la députée PS Corinne Narassiguin, répond aux questions de Libération. (Photo DR)

Des premières pistes se dégagent-elles de vos travaux ?

Il y a un relatif consensus sur la nécessité d’une plus grande implication des différentes parties prenantes de l’entreprise dans la fixation des rémunérations. Par ailleurs, celles-ci doivent être liées aux performances sur le long terme, c’est-à-dire sur plus de trois ans, notamment les parties variables de rémunérations. Sachant que ces performances sont considérées sous l’angle financier, mais aussi social et environnemental. Nous réfléchissions à limiter l’usage des stock-options et des actions gratuites.

Comment encadrer la fixation des rémunérations ?

Il faut aller vers un rôle renforcé des assemblées générales d’actionnaires, comme c’est le cas partout en Europe. A l’heure actuelle, elles peuvent se prononcer sur certains éléments de la rémunération, comme les stock-options ou les indemnités de départ, mais pas sur la part fixe et les bonus. Reste à savoir si leur vote sera contraignant ou simplement indicatif. Nous en discutons, et les avis divergent sur l’efficacité d’un vote consultatif. Nous souhaiterions également que les salariés aient aussi leur mot à dire. Leur entrée au conseil d’administration des groupes est actée, nous réfléchissons aussi à rendre obligatoire, ou à recommander, leur entrée aux conseils de rémunération.

Le petit actionnariat, réputé le moins coulant vis-à-vis des excès de rémunération, est en voie de disparition en France…

Nous en sommes conscients, et c’est pour cela que l’on réfléchit à la question des droits de vote double pour les actionnaires présents sur le long terme, comme le propose le rapport Gallois. C’est pour cela aussi que l’on ne peut pas tout confier à l’assemblée générale, et qu’il faudrait une plus grande implication en amont des partenaires sociaux.

Dans quelle mesure la loi peut-elle s’imposer aux entreprises sur les rémunérations ?

La loi est faite pour poser un cadre général. Dans certains domaines, il est important qu’elle s’impose, car l’auto-régulation ne fonctionne pas. Dans d’autre, il faut renforcer et encourager cette dernière. Sur la rémunération, plutôt que de faire des montages législatifs compliqués à modifier, il faut utiliser l’outil fiscal, a priori le plus efficace pour le secteur privé. Même si je pense que l’on peut imposer, au niveau des règles de gouvernance, une relation entre la rémunération et la performance à long terme de l’entreprise.

Pourrait-on envisager un salaire maximum ?

Ce n’est pas exclu de la discussion, mais ce n’est pas une direction privilégiée. Nous envisageons plutôt la voie fiscale.

L’autorégulation des patrons a-t-elle échoué ?

Je pense que le code AFEP-Medef sur la gouvernance d’entreprise est assez bien perçu par toutes les parties prenantes, mais il présente l’énorme inconvénient de n’être écrit, et de ne pouvoir être révisé, que par des syndicats de patrons. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays, et j’aimerais y réfléchir dans le cadre de cette mission.

Croyez-vous que vos propositions puissent provoquer un «exode des patrons» ?

Il y a beaucoup de fantasmes autour de cette question. D’abord, la réflexion que nous menons a lieu partout dans le monde aujourd’hui. Aux Etats-Unis, les inégalités salariales ont été dénoncées dans la campagne présidentielle, et certaines assemblées d’actionnaires ont rejeté les rémunérations de grands patrons. Nous sommes dans une période charnière où tout le monde se rend compte que la course à l’échalote, c’est fini. Par ailleurs, la mobilité internationale des grands patrons n’est pas aussi importante que cela, et ils sont aussi attirés par la qualité du poste, du cadre de vie, de l’entreprise, et pas seulement par leur rémunération.