Projet de loi de séparation des activités bancaires : mes interventions

Mon intervention sur l’article 1

« Nous débattons aujourd’hui d’un projet de loi essentiel pour le redressement économique de notre pays. Le choix a été fait de créer un modèle de séparation à la française des activités bancaires, en préservant le modèle de la banque universelle tout en mettant en place les mécanismes nécessaires pour éviter les risques de contagion en cas de crise due aux activités spéculatives. Le travail de Karine Berger, notamment, a permis de renforcer les pouvoirs du ministre de l’économie relativement aux opérations de tenue de marché, ce qui améliore beaucoup, à mon avis, cet article 1er.

Il est légitime que l’État mette en place des règles strictes afin d’encadrer ces activités, et ce d’autant plus que c’est lui qui est venu au secours du système bancaire lorsque, en 2010, ce dernier était au bord de la faillite. Les prêts accordés à l’époque auraient dû, à mon sens, être accompagnés de contreparties en termes de règles prudentielles.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, les choses commencent à s’améliorer, avec l’avancée de l’Union bancaire et le présent projet de loi. La France est clairement pionnière en la matière. Nous serons le premier pays à aller aussi loin dans le domaine de la régulation bancaire, le pays qui donne le la. Certes, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont engagés dans une réforme similaire, mais sans pour l’instant aller aussi loin que ce que nous nous apprêtons à faire. Dans le sillage de la France, le gouvernement allemand a déposé la semaine dernière un projet de loi de séparation des activités bancaires. Nous sommes donc un exemple.

En solidifiant notre système, en mettant à l’abri les dépôts des épargnants, en réorientant le flux des financements vers les activités productives, nous améliorons notre place bancaire, sa compétitivité ainsi que celle de notre économie en général. Cette loi sera l’un des piliers de la relance économique et industrielle, avec la BPI et les prochaines avancées sur la gouvernance des entreprises, sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé. N’ayons pas peur : le volontarisme économique n’est pas un frein à notre compétitivité, c’est au contraire le meilleur de nos atouts. « 

Mon intervention sur l’article 4 bis

 » Cet article 4 bis est lui aussi un enrichissement de la commission des finances, et j’en remercie particulièrement Dominique Potier, son instigateur. Cet article, s’il est adopté, sera une arme contre la fraude et l’évasion fiscale via les paradis fiscaux. Ce sont de véritables trésors de guerre qui sont dissimulés dans ces territoires, et nous savons le rôle que ceux-ci ont joué dans la crise financière de 2008.

Il nous faut lutter contre les paradis fiscaux parce que les sommes qui y sont transférées représentent une perte de recettes fiscales considérable. Lorsque, dans notre construction du budget de l’État, nous peinons à trouver quelques millions supplémentaires pour boucler tel ou tel programme, comment ne pas s’insurger à la pensée des centaines de milliards d’euros de revenus fiscaux qui disparaissent dans ces trous noirs de la finance mondiale ?

Un récent rapport du Sénat estime que 40 à 50 milliards d’euros manquent au budget de l’État en raison de ces fuites. Mais il ne faut pas oublier que les paradis fiscaux sont également des facteurs importants de déstabilisation du système financier international. Ils font partie de ce « système bancaire fantôme » dont parle Christian Chavagneux et qui a permis aux emprunts toxiques de se développer. Ce problème est donc une priorité absolue, et le projet de loi complété de cet article 4 bis constitue une partie de la solution. »

Mon intervention sur l’article 7

 » Ce projet de loi est la concrétisation de l’une des promesses de campagne les plus fondamentales du Président de la République. Loin de moi l’idée de les hiérarchiser, mais ce projet constitue l’une des bases sur lesquelles tout l’édifice du nouveau modèle français doit reposer.

En économie de marché, le financement de l’activité économique est primordial. L’irrigation du système tout entier en dépend. Que la source vienne à se tarir et c’est tout le champ qui s’assèche : l’activité est pénalisée. Que l’eau vienne à couler en flux trop abondants et les risques de déstabilisation du terrain s’accroissent, même si les plantes peuvent se développer. Que le jet d’eau vienne à être orienté non vers les cultures mais vers les mauvaises herbes, et la probabilité de propagation des pousses non souhaitées s’accroît. C’est donc à la fois sur le volume et la destination du flux qu’il nous faut agir.

C’est ce que fait ce projet de loi. J’ai vécu de l’intérieur la crise financière de 2008 et ai pu constater, dans la grande banque américaine pour laquelle je travaillais, le sentiment d’impunité qui régnait au cours des mois qui l’ont précédée. L’ambiance qui régnait parmi les acteurs du financement était celle du no limit. Le niveau de prise de risque montrait d’une part que l’aléa moral fonctionnait à plein et d’autre part que ceux qui s’adonnaient à des activités spéculatives périlleuses avaient oublié un enjeu pourtant essentiel : l’intérêt économique général.

L’inexorable chemin qui a conduit à la crise de 2008 aux États-Unis est jalonné de décisions dérégulant petit à petit le secteur bancaire. Il est temps pour l’État de reprendre ses responsabilités. Le renflouage des banques sans contrepartie en France après la crise de 2008 a au contraire renforcé l’aléa moral qui crée un sentiment d’irresponsabilité absolu. C’est pourquoi l’article 7, qui responsabilise les acteurs du secteur financier, me semble essentiel. »

Mon intervention sur l’amendement n°141 (article 7)

« Cet amendement, dont je suis cosignataire, est le fruit du remarquable travail de la rapporteure pour avis de la commission des lois, Axelle Lemaire, que je salue.

Il ne vise pas à ajouter une condition supplémentaire pour la mise en place de mesures de prévention et de résolution de crises bancaires, mais simplement à rappeler le principe de proportionnalité du droit, c’est-à-dire de l’adéquation des moyens aux buts recherchés.

Il est urgent que nous adoptions une loi bancaire : il faut donc que le projet que nous examinons aujourd’hui soit parfaitement solide et incontestable juridiquement. Ces mesures de prévention et de résolution de crises bancaires sont essentielles ; l’optique de leur mise en œuvre n’est en rien punitive, elle est constructive.

Oui, il nous faut protéger les banques contre elles-mêmes, contre la tentation des pratiques à hauts risques. L’appât du profit à court terme met en danger leur pérennité. »