Gouvernance des grandes entreprises : le rapport de la mission d’information est voté et déposé

La mission d’information sur la transparence dans la gouvernance des grandes entreprises dont j’ai été pendant plus de six mois la Présidente-Rapporteure vient d’adopter le rapport auquel j’ai travaillé avec le co-Rapporteur de l’UMP, Philippe Houillon. Je ne peux pas dire que je n’ai pas eu un pincement au cœur en voyant ce rapport présenté et adopté en mon absence en Commission des Lois, ce qui signifie qu’il va désormais être publié et pouvoir servir de base à de futurs travaux législatifs ou réglementaires. Mais mon collègue et ami Jean-Michel Clément m’a succédé à la présidence de cette mission d’information au sein de laquelle il avait énormément travaillé et dont il était auparavant vice-président. Je le remercie d’avoir présenté de manière excellente les propositions que nous avons formulées, et d’avoir permis de faire adopter le rapport à l’unanimité par la Commission des Lois.

J’ai été très touchée par l’initiative du Président de la Commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, qui a souhaité ajouter au rapport l’avant-propos suivant rappelant mon travail :

Le rapport peut être consulté à l’adresse suivante: http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i0737.asp

Voici une compilation des différentes interventions lors de la présentation du rapport en Commission des Lois:

LISTE DES PROPOSITIONS

Voici les principales propositions du rapport. Lorsqu’une proposition est numérotée sans plus de détails, cela veut dire qu’elle est partagée par les deux rapporteurs. Lorsqu’elle est dite « de votre Rapporteure », cela signifie que c’est une proposition que j’avais faite mais qui n’était pas partagée par le Co-Rapporteur, et vice-versa pour les propositions dites « du Co-Rapporteur ».

POUR UN MEILLEUR ÉQUILIBRE

ENTRE LA LOI ET LES CODES DE GOUVERNANCE

Proposition n° 1 : instaurer, par la loi, une obligation de se référer à un code de gouvernance pour les grandes entreprises cotées et pour les grandes entreprises non cotées dont le total de bilan excède 100 millions d’euros ou dont le montant net du chiffre d’affaires et le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice dépassent respectivement 100 millions d’euros et 500 salariés ;

Fixer, dans la loi, une liste non exhaustive des questions devant être abordées par les codes de gouvernance ;

Conférer au président du tribunal compétent le pouvoir d’enjoindre aux sociétés cotées ou non cotées de se conformer à leur obligation de se référer à un code de gouvernance, et de sanctionner pécuniairement la violation de cette obligation.

Proposition n° 2 de votre Rapporteure : pour les sociétés cotées comme pour les sociétés non cotées, faire ressortir la rédaction des codes de gouvernance d’un accord interprofessionnel, négocié par les partenaires sociaux sur la base d’un document de travail préparatoire établi par l’AMF qui, à cet effet, devra consulter l’ensemble des parties prenantes (organisations représentatives des employeurs, représentants des dirigeants-mandataires sociaux et des investisseurs, professionnels du droit et de l’audit, les syndicats de salariés, sous-traitants).

Proposition n° 2 bis de votre Co-rapporteur : pour les sociétés cotées, confier à l’AMF le soin d’émettre un simple avis sur le contenu des codes de gouvernance élaborés par les émetteurs et de formuler un avis motivé sur la pertinence des explications fournies par les entreprises pour justifier d’éventuelles dérogations aux règles définies par ces codes.

Proposition n° 3 : pour les sociétés non cotées, confier à une autorité de contrôle le soin d’émettre un simple avis sur le contenu des codes de gouvernance et de formuler un avis motivé sur la pertinence des explications fournies par les entreprises pour justifier d’éventuelles dérogations aux règles définies par ces codes.

Permettre à l’autorité de contrôle de saisir le président du tribunal de commerce compétent en cas de non-respect avéré des obligations du code de gouvernance auquel l’entreprise se réfère.

POUR UNE GOUVERNANCE STABLE ET OUVERTE

AUX DIVERSES PARTIES PRENANTES DE L’ENTREPRISE

Proposition n° 4 : élaborer un code de bonnes pratiques à l’attention des investisseurs.

Proposition n° 5 : octroyer un droit de vote double aux actionnaires justifiant détenir leurs titres de capital depuis au moins deux ans, tout en ménageant la possibilité, pour l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires, de s’y opposer par un vote à la majorité des deux tiers.

Proposition n° 6 de votre Rapporteure : abaisser le seuil exigé des actionnaires de sociétés dont le capital dépasse 15 millions d’euros pour pouvoir demander l’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée.

Proposition n° 7 : renforcer le contrôle des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées, notamment en leur permettant de qualifier ces conventions.

Proposition n° 8 de votre Rapporteure : améliorer la visibilité de la stratégie des fonds d’investissement au bénéfice des petits actionnaires en complétant le rapport que le conseil d’administration ou le directoire doit fournir à l’assemblée générale ordinaire annuelle en application de l’article L. 225-100 du code de commerce par une information sur l’échéance à laquelle les fonds d’investissement de type fermé qui ont pris des participations dans la société se sont engagés à restituer les fonds qui leur ont été remis par leurs clients.

Proposition n° 9 de votre Rapporteure : neutraliser provisoirement les droits de vote attachés à des titres financiers empruntés.

Proposition n° 10 : instaurer, par la loi, une représentation obligatoire des salariés non-actionnaires, avec voix délibérative, au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 5000 salariés, y compris dans les comités spécialisés de ces conseils. Dans l’immédiat, fixer à deux le nombre de représentants des salariés non-actionnaires.

En contrepartie :

– accompagner la représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance en engageant concomitamment une simplification du droit du travail, sans mettre en cause la protection des salariés, notamment grâce à l’instauration d’une sécurisation des parcours professionnels (proposition de votre Rapporteure) ;

– de manière parfaitement concomitante, alléger les obligations mises à la charge des employeurs par le code du travail, en créant un contrat de travail unique et en simplifiant les modalités de licenciement sans amoindrir le contrôle du juge (proposition de votre Co-rapporteur).

Proposition n° 11 : améliorer le dialogue social :

– en développant la formation économique délivrée aux salariés, une formation spécifique devant être assurée aux délégués du personnel, aux membres des comités d’entreprise, ainsi qu’aux administrateurs représentant les salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance ;

– en confiant la présidence du comité d’entreprise à un représentant des salariés ;

– en complétant les codes de gouvernance par une recommandation invitant à créer des comités des risques au sein des conseils d’administration et de surveillance, les comités devant informer les conseils d’administration ou de surveillance ainsi que les comités d’entreprise deux fois par an .

Proposition n° 12 : réformer le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise pour permettre une meilleure anticipation des difficultés des entreprises.

Proposition n° 13 : améliorer la quantité et la qualité des informations du rapport de gestion prévu par l’article L. 225-102-1 du code de commerce sur les questions de diversité, et notamment sur la diversité des origines, des profils, des parcours (universitaires, promotion interne ou recrutement externe…) des dirigeants-mandataires sociaux ;

Prévoir l’obligation pour les entreprises d’établir des plans d’action en faveur du développement de la diversité dans les conseils d’administration ou de surveillance (proposition de votre Rapporteure).

Proposition n° 14 : limiter plus strictement par la loi les cumuls de fonctions :

– en limitant à deux le nombre de mandats sociaux pouvant être détenus par un dirigeant en sus du mandat social qu’il détient dans l’entreprise qu’il dirige ;

– en limitant à quatre le nombre de mandats sociaux pouvant être exercés par des mandataires sociaux n’ayant aucune fonction de direction dans les entreprises où ils exercent ces mandats ;

– en interdisant le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail dans les grandes entreprises, sauf pour les administrateurs représentant les salariés.

Proposition n° 14 bis de votre Co-rapporteur : dans un encadrement plus strict par la loi du cumul des fonctions des mandataires sociaux, prévoir des dérogations spécifiques et mesurées en cas de cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail.

POUR UNE GOUVERNANCE RESPONSABLE

AU SERVICE DE STRATÉGIES DE LONG TERME

Proposition n° 15 : créer une procédure d’action de groupe reposant sur le mécanisme de l’« opt-in » et permettant aux investisseurs victimes de préjudices sériels d’engager la responsabilité des dirigeants-mandataires sociaux ;

Rendre plus effective et plus personnelle la sanction pécuniaire encourue pas les dirigeants-mandataires sociaux responsables d’une gestion fautive, en créant, sur le modèle américain, une action en recouvrement des rémunérations versées.

Proposition n° 16 : imposer aux grandes entreprises une obligation légale de publier des rapports spécifiquement consacrés à la présentation de leur politique de rémunération de leurs dirigeants-mandataires et à la description lisible, précise et exhaustive des rémunérations individuellement perçues par ces derniers ;

Modifier la loi pour reconnaître à l’assemblée générale des actionnaires un droit de vote qui serait :

– triennal et ex ante lorsqu’il porterait sur les principes et les grandes lignes de la politique de rémunération des dirigeants-mandataires sociaux pour les trois années à venir ;

– annuel et ex post lorsqu’il porterait sur le détail des rémunérations (fixes et variables, mais aussi sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ et de non-concurrence) perçues individuellement par les dirigeants-mandataires sociaux au cours de l’exercice précédant l’assemblée générale.

Pour votre Rapporteure : reconnaître aux actionnaires un droit de veto sur les principes et le détail des rémunérations dès lors qu’une majorité des deux tiers des actionnaires réunis en assemblée générale exprime un vote négatif ; (160)

Pour votre Co-rapporteur : conférer au vote des actionnaires un caractère purement consultatif.

Proposition n° 17 : corriger les excès des rémunérations des dirigeants-mandataires sociaux non pas par leur plafonnement, mais par une réforme de la fiscalité qui ne serait pas limitée aux revenus des seuls dirigeants-mandataires sociaux des grandes entreprises, mais concernerait l’ensemble des hauts revenus ;

Abaisser le plafond du montant des rémunérations globales versées aux dirigeants mandataires-sociaux qui est déductible des bénéfices imposables au titre de l’impôt sur les sociétés.

Proposition n° 18 : réformer le régime des « stock-options » et des actions gratuites, notamment :

– en supprimant la décote applicable aux prix de souscription des options de souscription ou d’achat d’actions par une modification des articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce ;

– en allongeant leur durée de conservation obligatoire sur le modèle du « vesting » pratiqué aux États-Unis ;

– en interdisant les mécanismes de couverture ;

– en inscrivant dans les codes de gouvernance une recommandation incitant les entreprises à soumettre le versement de ces rémunérations à des critères extra-financiers appréciables sur le long terme.

Proposition n° 18 bis de votre Rapporteure : réserver l’utilisation des « stock-options » aux petites et moyennes entreprises (TPE, PME).

Proposition n° 19 : interdire les rémunérations sous forme de « retraites chapeau ».

Proposition n° 20 : instaurer par la loi l’obligation pour les entreprises de créer un comité des rémunérations et de formaliser les compétences exercées sous la responsabilité du conseil d’administration ou de surveillance.