Tribune publiée dans Le Plus L’Obs
Alors que les députés UMP viennent d’obtenir la création d’une commission d’enquête sur « l’exil des forces vives », le gouvernement de Manuel Valls a choisi de regrouper le commerce extérieur et les Français de l’étranger dans un même secrétariat d’État, sous la houlette de Fleur Pellerin.
Deux visions de la mobilité internationale des Français s’opposent. D’un côté le négativisme d’une droite qui veut brandir un « déclin français » pour mieux dénigrer la politique du gouvernement, de l’autre le volontarisme d’une gauche pragmatique qui choisit de relever les défis de la mondialisation en utilisant tous les leviers de l’attractivité de la France.
Une approche positive et ambitieuse
Les députés UMP se trompent en cherchant à se servir de cette commission d’enquête pour dénoncer les politiques économiques et fiscales de la présidence Hollande.
Ils alimentent une vision profondément pessimiste d’une France qui serait malade du socialisme, en prétendant qu’il y aurait urgence à stopper une hémorragie dangereuse. Ils dénigrent les Français de l’étranger en les assimilant à des exilés fiscaux, ou en réduisant leurs choix de vie à une fuite en avant loin d’une France à laquelle ils préféreraient tourner le dos.
Les Français de l’étranger sont dans leur immense majorité des citoyens attachés à leur patrie et à leur culture, soucieux de voir la France réussir, à la fois bien intégrés dans leur pays de résidence et demandeurs de liens de plus en plus forts avec la France.
Cela vaut aussi pour les entrepreneurs et les entreprises françaises qui s’installent à l’étranger. Il faut se réjouir de leurs réussites et s’inquiéter de leurs échecs. Car si la France est à leurs côtés, elle sera plus compétitive sur la scène internationale.
C’est cette approche positive et ambitieuse que le gouvernement a choisi d’adopter en concrétisant la convergence des politiques pour le commerce extérieur et pour les Français de l’étranger.
Promouvoir l’entreprenariat français à l’étranger
Je veux ici rendre un hommage appuyé à l’ancienne ministre déléguée aux Français de l’étranger Hélène Conway, qui a entamé un travail indispensable pour promouvoir l’entreprenariat français à l’étranger, et en faire un atout majeur du commerce extérieur de la France.
Elle a également mis en avant la nécessité d’un réseau éducatif français et bilingue varié de qualité pour faciliter l’implantation des entreprises françaises à l’étranger, les Français migrant souvent en famille. La nouvelle secrétaire d’État Fleur Pellerin a maintenant une opportunité unique pour amplifier ce travail.
Les Français qui créent leur entreprise à l’étranger, les cadres supérieurs qui travaillent à l’étranger, sont les meilleurs agents possibles pour la création de partenariats avec des entreprises françaises cherchant à exporter leurs produits et services, ou à attirer des investissements internationaux pour leur développement en France.
Les Français de l’étranger ont une connaissance fine des cultures et systèmes économiques, juridiques et politiques de leur pays de résidence. Cela doit être pleinement exploité. Il s’agit de mieux aider les PME et ETI françaises à s’établir durablement à l’étranger par la création de filiales ou le développement de nouveaux marchés.
En effet, si de nombreuses PME et ETI françaises arrivent à percer à l’étranger, une grande partie d’entre elles ne parviennent pas à se maintenir à l’international, généralement par manque de compréhension des spécificités locales et ce malgré la qualité de leurs produits et services.
À ce titre, la fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), l’intégration de chargés d’affaires d’Ubifrance dans les directions régionales de la Banque Publique d’Investissement (BPI), et les accords entre Ubifrance et les chambres de commerce françaises à l’étranger, constituent un arsenal précieux pour une politique du commerce extérieur qui s’appuie pleinement sur les réseaux économiques et le savoir faire des Français établis à l’étranger.
Améliorer l’attractivité de la France
Bien sûr, il est vrai que certains entrepreneurs français réussissent à l’étranger ce qu’ils n’ont pas pu faire en France. Certains diplômés trouvent des opportunités professionnelles à l’étranger qui sont inexistantes en France. Je ne veux pas nier l’évidence.
Pour réussir le redressement économique, il faut absolument améliorer l’attractivité de la France, notamment en s’inspirant de ce qui fonctionne bien à l’étranger pour l’adapter intelligemment en France, au service d’un tissu économique national plus dynamique dans le respect de nos exigences sociales.
Là encore, les Français de l’étranger sont particulièrement bien placés pour aider la France à identifier les stratégies gagnantes et mettre en garde contre les fausses bonnes idées.
Enfin, l’expérience internationale doit être encore mieux valorisée lors du retour en France. Un Français qui maîtrise une ou plusieurs langues étrangères, qui comprend la culture d’un autre pays, qui a établi des réseaux internationaux, c’est un atout pour les entreprises françaises confrontées à une compétition internationale forte.
La commission d’enquête parlementaire « exil des forces vives » présente tout de même un objectif positif majeur : obtenir des données chiffrées sur les départs et les retours. Nous en avons besoin pour construire des politiques plus efficaces, mieux ciblées.
Mais il est illusoire de penser que l’on pourra déterminer avec certitude les motivations de ceux qui partent, puis qui choisissent de rester à l’étranger ou de revenir en France : projet éducatif, choix professionnel, maîtrise d’une autre langue, immersion dans une autre culture, attaches familiales, goût de l’aventure passager ou permanent, etc. Les raisons sont aussi diverses et complexes que les parcours de chaque individu.
L’exil fiscal existe, mais il est négligeable
S’il est certain que l’exil fiscal existe, il est négligeable comparé au problème de la fraude fiscale internationale de personnes résidant en France. Ainsi, je ne doute pas que les statistiques montreront que les départs à l’étranger ou les retours en France ne sont pas directement liés à la politique fiscale de la France selon la couleur de la majorité gouvernementale.
Les seules données sûres dont nous disposons aujourd‘hui sont les inscriptions dans les consulats. Celles-ci sont en constante augmentation depuis une bonne quinzaine d’années, parce que nous vivons dans un monde globalisé, parce que les technologies de l’information réduisent virtuellement les distances, parce que notre système éducatif donne les bonnes armes aux Français qui sont tentés par l’expérience internationale, parce que les services fournis aux Français de l’étranger facilitent l’installation et l’intégration dans les pays d’émigration.
Je souhaite d’ailleurs que cette commission d’enquête ne se restreigne pas à une perspective franco-française, et compare autant que possible la mobilité des Français à celle des ressortissants de nos pays voisins. Sans cela, les enseignements que l’on pourra en tirer seraient partiaux et partiels.
Je fais confiance aux députés de la majorité et au gouvernement pour tirer les bonnes conclusions des chiffres qui seront établis par cette commission d’enquête : affiner les politiques permettant de mieux accompagner et même d’encourager les projets de mobilité internationale des Français, de renforcer les réseaux éducatifs, culturels et économiques français à travers le monde, de faciliter les démarches de ceux qui choisissent de rentrer en France en sachant mieux mettre en valeur la richesse de leur expérience acquise à l’étranger.
Je fais confiance à Fleur Pellerin pour s’appuyer pleinement sur la mobilité internationale des Français de l’étranger, comme levier d’une politique du commerce extérieur innovante et ambitieuse.