Tribune publiée dans Le Plus L’Obs
« Je suis président, pas candidat, je serai président jusqu’au bout, je n’ai pas d’autre objectif, d’autre priorité, d’autre devoir que de faire tout, tout pour mon pays. »
Le courage politique d’agir sur le long terme
Sans surprise, comme tout président en cours de premier mandat, François Hollande a refusé de répondre sur ses intentions de briguer – ou pas – un deuxième mandat.
Pourtant, la tonalité de cette 4e conférence de presse donne un sens tout nouveau à cette affirmation prévisible à une question attendue. Quelque chose de rare en politique, qui déboussole un peu les commentateurs : le courage politique d’agir pour l’intérêt général sur le long terme au risque d’y sacrifier son intérêt personnel sur le court terme.
Car François Hollande a fait preuve d’un réalisme désarmant. Tout en affirmant que les résultats viendront car la politique menée est la bonne, il admet que ces résultats pourraient arriver trop tard pour le servir électoralement.
D’aucuns choisissent d’y voir une résignation, un aveu d’échec, tant cette honnêteté intellectuelle et cette intégrité politique surprennent, tant on est habitué à vouloir déchiffrer cette langue de bois que tout homme ou femme politique est présumé coupable de pratiquer.
Ce langage de vérité assumé par le président de la République est au contraire la marque d’un homme d’État conscient de la gravité des crises que traverse le pays, déterminé à faire ce qui est nécessaire pour les surmonter, quitte à braver l’impopularité, car il veut, selon ses propos « avoir la conscience nette ». En d’autres termes, il préfère le jugement de l’Histoire aux sondages d’opinion instantanés.
Le temps politique, plus long que le temps médiatique
Rappeler l’état dans lequel il a trouvé la France lors de son élection en 2012, ça n’est pas se défausser. C’est mieux insister sur la nécessité de réformes d’envergure et de mesures qui demandent des efforts de tous sans nécessairement produire de résultats rapides, et qui causent donc inévitablement l’impopularité.
Il faut à la fois réparer les dommages des deux quinquennats précédents par des politiques progressistes, et procéder à des réformes structurelles qui auraient dû être faites au début des années 2000 quand le contexte économique était favorable, tout cela au sein d’une Union Européenne en difficulté et dans un monde qui accumule les crises internationales.
Aujourd’hui plus que jamais, tout responsable politique est confronté au problème du temps politique, beaucoup plus long que le temps médiatique. Et au cœur de ce différentiel, il y a les citoyens, il y a une société où tout s’accélère de plus en plus, où, pour citer un autre président, on oublie trop souvent qu’il faut parfois « laisser du temps au temps ».
C’est là un sujet de thèse en soi.
Le temps de l’action et des résultats
Mais il y a aussi un autre dilemme temporel auquel tous les élus sont confrontés : le temps de l’action et des résultats, souvent plus long que le temps électoral. Agir en profondeur, pour l’intérêt général, pour cette génération et pour les suivantes, cela implique parfois de faire des choses qui fâchent ou qui déçoivent son électorat sur le court terme. Cela veut dire prendre le risque que ce soit son successeur qui profite des fruits de son labeur.
D’où la tendance naturelle pour tout homme ou femme politique d’agir selon le rythme électoral. C’est cette tendance qui malheureusement explique l’état de la France, et aussi de l’Europe, aujourd’hui.
Lorsque les choses vont plutôt bien, on ne reforme pas car à quoi bon prendre le risque de fâcher telle ou telle catégorie d’électeurs ? Ça n’est pas bon pour sa côte de popularité.
Lorsque la conjoncture se dégrade, lorsque les choses vont franchement mal, les petites faiblesses d’hier deviennent des handicaps substantiels. La nécessité de réformer devient criante au moment même où les leviers politiques, économiques et sociaux sont les plus faibles pour les accomplir.
Dans ces cas là, un responsable politique qui choisit l’horizon indépassable de sa propre réélection se laissera tenter par la démagogie de solutions sparadrap pour rafistoler la France sans rien bousculer, dans le seul but de ménager ses chances personnelles lors de la prochaine élection, quitte à ce que tout s’effondre à nouveau au lendemain de l’élection.
Ça n’est pas comme cela que l’on sert ses convictions et encore moins son pays. C’est ce que nous a dit le président de la République.
Il fait le pari que sa détermination à transformer le pays coûte que coûte encouragera les Français à rejeter le pessimisme qui tire la France vers le bas depuis trop longtemps, à choisir d’avoir confiance en notre capacité collective à surmonter tous les obstacles pour redresser la France.