Droit du sol : un faux débat. Sarkozy et Hortefeux prônent un modèle de désintégration

Tribune publiée dans Le Plus L’Obs

Il y a quelques années, Monsieur Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, soulignait à l’antenne les différences « assez irréconciliables » entre l’UMP et le FN. Aujourd’hui, Monsieur Hortefeux n’entend pas céder du terrain aux frontistes en s’appropriant leur terrain, avec l’aval du chef de son parti.

Au vu de leurs déclarations respectives ces derniers jours, on peut logiquement s’interroger : le changement de nom de leur parti les aurait-il troublés ?

En effet, on pourrait trouver ironique d’entendre deux membres clé d’un parti nouvellement baptisé « Les Républicains » questionner le principe d’indivisibilité de la République française et marquer ainsi leur détermination à poursuivre leur course derrière Marine Le Pen et ses camarades.

Oui, on pourrait trouver cela ironique. Si ce n’était inacceptable et abject.

Un incroyable bond en arrière

Ces Messieurs entendent relancer le débat autour du droit du sol. Monsieur Hortefeux a même explicitement exprimé son souhait de revenir au seul droit du sang pour les territoires d’outre-mer comme Mayotte et La Réunion.

Faut-il lui rappeler l’article 73 de notre Constitution, qui prévoit que les lois et les règlements s’appliquent de plein droit dans ces territoires ? Si des dérogations sont possibles, elles ne le sont certainement pas dans ce domaine-là.

Le droit du sol, encore plus qu’en métropole, fait partie intégrante de l’histoire de peuplement des collectivités d’outre-mer et de leur intégration pleine et entière dans la nation française. En outre, en France, droit du sol et droit du sang coexistent depuis plusieurs siècles. Rétablir le seul droit du sang serait ainsi un incroyable bond en arrière : le droit du sol a été formalisé en 1515. Même Napoléon n’a jamais abandonné totalement le droit du sol.

Enfin, et pour ne citer qu’un seul chiffre, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, sur les 97.000 individus qui acquéraient la nationalité en 2013, « seuls » 24.000 l’acquéraient par ce biais.

Diviser pour mieux régner

Messieurs Sarkozy et Hortefeux se plient à un pur exercice démagogique, visant à multiplier les amalgames (ici entre immigration, délinquance et acquisition de la nationalité), les contrevérités et à alimenter de faux débats, toujours sur la recette du « diviser pour mieux régner » et à dessein électoraliste.

En métropole comme dans les outremers, il est essentiel et même un devoir de ne pas confondre la question du traitement de la politique d’immigration (politique de visas pour l’immigration étudiante et professionnelle, droit d’asile, droit au regroupement familial, lutte contre les réseaux clandestins de trafic humain, politique européenne de coordination des flux migratoires et de co-développement avec les pays d’origine) et la question de l’acquisition de nationalité française.

Monsieur Hortefeux affirme soulever ce débat autour du droit du sol au nom du besoin de prendre conscience et de s’adapter à la réalité de la société française. Faut-il lui rappeler qu’un Français sur trois est issu de l’immigration ? Pourtant, il souhaite donner un prix à la nationalité et à la citoyenneté françaises. Tous ces jeunes nés et ayant grandi en France devraient prouver leur droit à être Français.

Loin de ces discours et de cette démagogie xénophobe, nous devons tous, nous les vrais défenseurs de la République, construire un nouveau modèle d’intégration et non de désintégration.