Donnons-nous toutes les armes contre le VIH

Tribune publiée dans Mediapart

« Il faut prévenir avant d’avoir à guérir ». C’est par ces mots que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a présenté le premier axe de son projet de loi Santé le 15 octobre 2014. Si cette loi comprend des propositions concrètes pour la prévention du VIH, les mesures annoncées sont déjà en deçà des enjeux.Le nombre d’infections de personnes par le VIH est en recrudescence à travers le monde depuis les années 2000. La France n’est pas épargnée. Après les grandes campagnes de communication des funestes « années sida », à la fin des années 80 et dans les années 90, l’amélioration significative des traitements pour les personnes séropositives a poussé les politiques de prévention dans l’oubli. Un oubli qui a des conséquences lourdes, notamment chez les hommes gays, chez les hommes hétérosexuels nés en Afrique subsaharienne, mais aussi chez les jeunes quelle que soit leur orientation sexuelle.

Lors du congrès annuel de la Société Française de Lutte contre le Sida (SFLS) le 9 octobre dernier, le Pr Philippe Morlat a présenté les recommandations demandées par Marisol Touraine au sujet de l’utilisation de la PrEP. Il s’agit d’une prophylaxie pré-exposition au VIH : un traitement préventif pour les personnes séronégatives exposées au virus du sida qui empêche le virus de pénétrer dans l’organisme. Ce groupe d’experts s’est prononcé pour l’accès à la PrEP pour les populations les plus exposées.

La PrEP, sous la forme du traitement médicamenteux Truvada, est autorisée aux Etats-Unis depuis 2012, avec des essais cliniques très probants à San Francisco. Plus récemment c’est l’Australie qui a lancé des campagnes d’essais cliniques prometteurs en vue d’une autorisation de ce médicament pour une utilisation préventive. L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) doit se prononcer à la fin de ce mois d’octobre sur une recommandation temporaire d’utilisation du Truvada. Il serait incompréhensible que la France n’agisse pas au plus vite pour donner accès à cette option supplémentaire dans l’arsenal de prévention contre le VIH.

Il ne s’agit cependant pas de confondre vitesse et précipitation. Autoriser la PrEP pose nécessairement la question de la médicalisation de la sexualité. Le ministère de la Santé devra travailler en concertation étroite avec la communauté médicale pour décider du meilleur ciblage de la population pour laquelle la PrEP fait sens, et qui peut justifier une prise en charge par la sécurité sociale. La PrEP peut être une bonne solution pour des personnes particulièrement exposées aux risques de contamination, en accord avec leur médecin. Mais, si on ne peut se priver d’un nouveau moyen efficace pour endiguer la propagation du VIH, il ne faudrait pas pour autant faire de la PrEP un miracle, ce qui se traduirait par une augmentation des prises de risques. D’ailleurs, tous les experts qui recommandent cette méthode de prévention médicale insistent sur la nécessité de l’utiliser en complément d’autres mesures de prévention, ne serait-ce que parce que la PrEP ne protège pas des IST (infections sexuellement transmissibles) autres que le VIH Sida.

La prévention passe donc d’abord par l’utilisation du préservatif, masculin ou féminin. C’est d’ailleurs avant tout la chute de ces pratiques de prévention qui explique l’augmentation des infections. Les générations devenues adultes à la fin du siècle dernier sont sans doute les plus sensibilisées, mais force est de constater que la vigilance se relâche face à un danger de mourir du sida qui s’éloigne des consciences, à défaut de disparaitre complètement de la réalité, et les générations suivantes sont très mal informées.

Il y a urgence à agir sans ambiguïté. J’appelle le ministère de la Santé à lancer une grande campagne de lutte pour la prévention des IST, mettant l’accent sur le VIH, expliquant les comportements à risques et déclinant clairement toutes les manières de se protéger. Une telle campagne nécessitera une coordination avec les ministères de l’Education Nationale et de la Jeunesse, pour une information appropriée en direction des adolescents et des jeunes adultes. Comme c’est leur vie qui est en jeu, on ne surévaluera pas les possibles cris d’orfraie des dames patronnesses.

Enfin, dans ce domaine, il n’y a pas de politique ponctuelle qui vaille. Il n’y a que des politiques au long court, sans cesse renouvelées pour chaque nouvelle génération, sans cesse adaptées aux comportements observés et à l’ensemble des solutions efficaces à notre disposition.

La vie sexuelle de chacun est une liberté, une liberté intime qui s’exerce en responsabilité, et que seule une politique de santé publique menée en connaissance de cause peut garantir.