Tribune de Denis Quinqueton et Corinne Narassiguin, publiée dans Yagg dans le cadre de la semaine PMA pour toutes
L’avis du Conseil consultatif national d’éthique, demandé par le Président Hollande, est attendu depuis 2 ans maintenant. Il serait bon qu’il nous en gratifie avant la fin de l’année. Le temps de la décision politique doit pouvoir venir. Pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que les couples ou les femmes qui ont des projets de PMA ne sont pas des songes calés entre deux dogmes. Ces couples et ces femmes sont des citoyennes de notre pays qui attendent de pouvoir mettre en œuvre en France leur projet parental dans des conditions permises par la science et par de nombreux pays en Europe. Aujourd’hui, en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, à Chypre, au Danemark, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en Grèce, en Hongrie, en Irlande, en Islande, en Lettonie, aux Pays-Bas, au Royaume Uni, en Suède, l’accès à la PMA n’est pas limité aux femmes en couple hétérosexuel, comme c’est le cas en France. A-t-on connaissance de dérives comparables aux fantasmes des conservateurs? Non. Rappelons, à toutes fins utiles, qu’entamer un parcours de PMA – un parcours! – n’est pas céder au consumérisme. Cela engage un traitement médical contraignant pour la mère, et personne n’osera prétendre que les 23 000 enfants né.e.s par PMA chaque année en France de parents en couple hétérosexuel seraient des objets de consommation.
Le temps de la décision politique doit pouvoir venir, ensuite, parce que depuis 1966, le code civil prévoit la possibilité pour «un couple» ou pour «toute personne âgée de plus de 28 ans» de mettre en œuvre un projet parental grâce à l’adoption. On ne voit pas bien pourquoi ce qui est possible depuis près de 50 ans par la voie de l’adoption est interdit par la voie de la procréation médicalement assistée. De plus, depuis le vote de la loi mariage pour tous, l’homoparentalité est pleinement reconnue dans le droit. Pourquoi juger la validité d’un projet parental en fonction de la situation conjugale ou l’orientation sexuelle de la mère pour l’accès à la PMA, alors que cela est illégal pour l’adoption?
Enfin, le temps de la décision politique doit venir parce que les débats éthiques sont des débats sérieux et qu’ils comptent pour notre avenir, pour celui de l’humanité. La question éthique de la possibilité du recours à la PMA a été tranchée à plusieurs reprises, au moment des différentes lois bioéthiques, à chaque fois dans un sens favorable, et par sa mise en œuvre par les professionnels de santé. Nous savons qu’aujourd’hui, si le recours à la PMA n’est pas permis aux couples de femmes et aux femmes seules, son accès n’est pas réservé «aux cas d’infertilité médicalement constatée» comme l’indique la lettre de la loi, mais est ouvert à d’autres cas, conformément à son esprit. Le Défenseur des droits, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, tout comme une majorité de Français.es aujourd’hui, sont favorables à l’extension de l’accès à la PMA.
En revanche, d’autres questions éthiques perdurent ou apparaissent. Il serait paradoxal de ne pas les traiter en temps utile parce que nous resterions bloqué.e.s sur cette question qui n’en est plus tout à fait une. Certaines questions sont anciennes mais toujours pas résolues en France: l’anonymat des dons et le droit à connaitre ses origines biologiques, comme nous le rappelle une action en justice actuellement devant le Conseil d’État. D’autres questions sont nouvelles puisqu’on commence à avoir la possibilité de pratiquer des PMA impliquant les gamètes de 3 personnes et que l’on s’essaye à certaines formes de sélection génétique. Ce sont ces questions qu’il nous faut traiter, en tant que citoyen.ne.s aujourd’hui, pas celle de l’utilisation d’une technique pratiquée depuis plusieurs décennies.
Alors, oui, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, il est temps, il est l’heure.