Tribune par Denis Quinqueton et Corinne Narassiguin, publiée dans Le Huffington Post
Le Président de la République a annoncé, jeudi 30 juin en recevant l’Inter-LGBT, SOS homophobie et le Centre LGBT Paris – Île-de-France, l’annulation de la circulaire du 14 janvier 2013 signée du Directeur général de la santé. L’annonce marque une intention intéressante, même si on reste perplexe sur la nature juridique de l’annulation d’une circulaire qui se contentait de rappeler la loi: l’article 511-9 du code pénal réprimant la vente de gamètes.
La procréation médicalement assistée (PMA), c’est l’ensemble des traitements ou techniques qui prend en charge médicalement les diminutions de la fertilité ou l’impossibilité d’avoir des enfants. Selon l’INSERM, 1 enfant sur 40 naît grâce à une PMA (1). Elle est, en France, ouverte aux femmes en couple hétérosexuel, sur la base d’un constat médical. Si l’homosexualité de la femme est un interdit absolu, nous savons que l’importance du constat médical est relatif.
L’engagement d’ouvrir la PMA à toutes les femmes figurait dans le projet du Parti socialiste et a été mentionné explicitement par son candidat en 2012. Cet engagement n’a toujours pas été tenu, un vrai point noir dans un bilan, par ailleurs positif pour les droits des personnes LGBT.
Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation absurde. Alors que, du Président aux députés de la majorité, nombre de dirigeants de ce pays jugent injustifiées les discriminations dans l’accès à la PMA, comme l’a rappelé récemment Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes (2), alors que 54% des français sont favorables à ce que toutes les femmes aient accès à la PMA (3), l’état du droit français fait que la PMA est autorisée en France pour les couples hétérosexuels et, à l’étranger, pour les couples homosexuels et les célibataires… Même la Mère Ubu ne s’y retrouverait pas pour faire une PMA!
Il est urgent d’ouvrir la PMA à toutes les femmes dans les mêmes conditions, qu’elles soient lesbiennes ou hétéro, en couple ou célibataire, pour trois raisons.
D’abord, cela correspond à nos engagements de campagne -réfléchis- au nom de l’égalité et au nom du pragmatisme. Une PMA pratiquée à l’étranger complique considérablement le suivi médical nécessaire de la femme et introduit une dimension financière lourde qui, dans les circonstances actuelles, amène certaines d’entre elles à se mettre en danger.
Ensuite, cet engagement n’a pris personne au dépourvu. La société française a déjà pu discuter à trois reprises, lors du vote puis des révisions des lois bioéthique en 1994, 1999 et 2004, de la dimension éthique du recours à la PMA. La question de l’orientation sexuelle de la femme ou sa situation matrimoniale n’est pas une question éthique mais une question d’égalité. D’ailleurs, l’avis du Conseil national consultatif d’éthique, malgré tout saisi, se fait attendre depuis plus de deux ans et demi: presque une manière, pour cette honorable d’institution, de dire qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Et puis, l’expérience des pays qui ont ouvert la PMA à toutes les femmes comme la Belgique (en 2007), le Danemark (en 2006), l’Espagne (en 2006), le Royaume-Uni (en 2008) ou les Pays-Bas (en 1994), ne peut qu’attester d’une utilisation sereine et réfléchie de ce droit. Voilà qui invalide les invectives répétées des réactionnaires apeurés et essentiellement apeurant.
Enfin, les citoyennes et les citoyens doivent aujourd’hui se concentrer sur les débats bioéthiques du 21e siècle. On s’approche à grand pas du temps où l’on soignera génétiquement la dégénérescence du cerveau ou du système nerveux. Qui s’en plaindrait? Mais cela revient aussi à poser la perspective de « l’humain augmenté », en repoussant très loin la période de la vieillesse.
Voilà une question bioéthique du début de notre siècle. On en devine les implications complexes. Seul un débat éclairant, et mené à temps, permettra à la science d’opérer les choix les plus judicieux pour améliorer la condition humaine.
Les prémisses de la PMA remontent au 19e siècle et les débats à son sujet, à la deuxième moitié du 20e. Ne continuons pas à faire perdre leur temps aux Français en laissant agiter ce que nous savons tous très bien ne pas être un épouvantail.
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(1) Dossier sur l’assistance médicale à la procréation, septembre 2013.
(2) Laurence Rossignol interviewée par Jean-Jacques Bourdin le 7 juillet 2016.
(3) Sondage Odoxa sur « les Européens et l’infertilité » dévoilé par Le Figaro, le 7 juillet 2016.