Tribune publiée dans Le Huffington Post
Le projet de loi de moralisation de la vie publique rebaptisé « pour redonner confiance dans la vie démocratique », proposé par François Bayrou hier, prolonge ce que nous avions fait pendant le quinquennat Hollande: le non-cumul parlementaire-exécutif, la transparence sur les patrimoines des ministres et parlementaires et déclarations d’intérêts, la protection des lanceurs d’alertes, l’encadrement strict des lobbies au parlement, etc.
On avance donc dans la bonne direction, mais on aurait pu attendre encore plus de la part du Président qui a réalisé son envol électoral sur la promesse de l’avènement d’un nouveau système sans système.
Personnellement, même si la plateforme du Parti Socialiste ne va pas aussi loin, je suis pour instaurer un non-cumul strict pour les parlementaires et pour les responsables d’exécutifs locaux, car j’estime que ce sont des mandats qui doivent être exercés à temps plein de manière exclusive. Par ailleurs, si je suis d’accord avec la limite de trois mandats pour les parlementaires, qui peuvent effectuer au moins une partie de ces mandats dans l’opposition, j’aurais préféré une limite de deux mandats pour les responsables d’exécutifs locaux (comme c’est déjà le cas pour le Président de la République).
Surtout, j’attendais plus sur une régulation encore plus forte des lobbies, et sur une définition plus claire et plus stricte du conflit et de la collusion d’intérêts, non seulement dans le domaine public mais aussi dans le domaine privé.
Il est certain que laisser Richard Ferrand s’accrocher à son poste de ministre, ça ne permet pas au gouvernement d’être très audible sur la question. Pourquoi donc continuer à le protéger, lorsque cela mine la crédibilité du Président sur ce qui devrait être une réforme phare de son quinquennat ?
En comparaison, après la regrettable affaire Cahuzac, non seulement François Hollande l’avait sorti du gouvernement, mais il avait renforcé d’autant plus la loi sur la transparence de la vie publique alors en cours d’élaboration.
Pour lui-même, maintenant qu’une enquête est ouverte, Richard Ferrand serait mieux en mesure de s’expliquer et se défendre s’il se mettait en retrait. Et pour le pays, un ministre de la cohésion des territoires qui peut se consacrer entièrement à sa tâche titanesque, servirait mieux l’intérêt général.
En outre, puisque qu’une réforme constitutionnelle doit être engagée, je ne comprends pas pourquoi on n’en profite pas pour instaurer l’interdiction totale de toute activité professionnelle cumulée avec le mandat de parlementaire. Pour de simples raisons pratiques, un salarié doit quitter son emploi pour exercer la fonction de député ou sénateur. D’autres activités professionnelles sont déjà interdites pour éviter les conflits d ‘intérêts. Au nom de quoi doit-on autoriser un député à exercer une activité professionnelle libérale – source potentielle de conflit d’intérêt – pendant un mandat qu’il devrait exercer à temps plein par respect pour les citoyens qu’il sert?
Et puis je suis déçue par le côté populiste antiparlementariste qui conduit à proposer la suppression de l’IRFM (indemnité représentative de frais de mandats) pour la remplacer par un système ingérable avec les moyens administratifs actuels de l’Assemblée Nationale et du Sénat.
Il faudrait donc procéder par avances de trésorerie (y compris sur des dépenses récurrentes importantes comme la location d’une permanence) et de remboursements sur justificatifs. Ce système avantagerait les parlementaires bien lotis financièrement d’un point de vue personnel, et faciliterait pour d’autres les tentations d’accepter les petits et grands cadeaux (y compris en cachette) pour tenir certaines apparences.
Pourquoi se laisser aller ainsi à cette facilité démagogue, qui encourage l’a priori du « tous pourris », quand on a au contraire besoin d’affirmer que les brebis galeuses sont en réalité peu nombreuses?
Il aurait été préférable d’exiger la transparence de l’utilisation de l’IRFM, avec un contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique créée par François Hollande, et une obligation de rembourser chaque année les sommes non utilisées. Ce serait beaucoup plus facile à mettre en œuvre efficacement, sans effet pervers notable, et sans dérive populiste.
Enfin, si je suis favorable à la suppression de la réserve parlementaire dans un souci de supprimer tout risque de clientélisme, il va falloir dans ce cas préciser comment sera géré ce nouveau « fonds d’action pour les territoires et les projets d’intérêt général ». Comment garantir qu’on ne remplace pas les potentiels clientélismes locaux des députés et sénateurs par un clientélisme unique au bénéfice d’un ministre (et des ses seuls amis)?
Si je suis élue députée de la 3ème circonscription du Val-de-Marne, je voterai bien sûr cette loi, parce qu’elle va dans la bonne direction, et qu’il faut savoir procéder par étapes, comme nous l’avions fait dans le précédent quinquennat.
Mais avant de la voter, je proposerai et défendrai avec force de nombreux amendements, pour une loi aussi ambitieuse et efficace que possible.