Le débat public semble être devenu fou.
Alors que le Président de la République revendique l’irresponsabilité d’avoir provoqué une dissolution pour déstabiliser au lieu d’assainir, d’avoir « jeté une grenade dégoupillée », il poursuit maintenant sa fuite en avant en endossant l’irresponsabilité historique de brouiller toutes les fondations des valeurs républicaines.
Élu deux fois en rempart contre le Rassemblement National, ayant exhorté chacune et chacun en 2022 à faire le barrage républicain, il refuse d’en être comptable. Pire, il a cru, au soir des élections européennes qu’il a perdues, pouvoir profiter à nouveau de l’esprit de responsabilité des électeurs de gauche pour lui donner une majorité plus grande à l’Assemblée Nationale contre l’imminence de l’extrême-droite au pouvoir.
Incapable de dialogue pour construire des majorités de projet, comme l’a montré son choix de gouverner à coup de 49-3 et dans le mépris des partenaires sociaux, il n’a pas cru possible pour la gauche, toute la gauche et l’écologie, celle des partis et celles des syndicats, des mouvements citoyens, des intellectuels et des experts, de nous rassembler en quelques jours, par-delà nos divergences, sur ce qui a toujours été l’identité de la gauche : le combat pour la République, démocratique, sociale, écologique, humaniste, féministe, contre l’extrême-droite.
Dépité de voir que sa dissolution surprise se retourne d’abord contre son camp, le Président choisit de diaboliser la gauche en reprenant le vocabulaire de l’extrême-droite, parlant de projet « immigrationniste » et jetant sans scrupule les personnes trans en pâture.
Si Emmanuel Macron était le seul, roi déconnecté en son palais, on en rirait de loin avec un peu d’amusement. Malheureusement, toutes celles et ceux que l’on l’appelle « la Macronie », et au-delà, des républicains sincères, lui ont emboîté le pas, à quelques exceptions notables.
Leur seul mot d’ordre dans cette campagne éclair, c’est de mettre un signe égal entre la gauche, toute la gauche, et l’extrême-droite.
C’est une faute politique grave. La peur panique de perdre leur majorité relative ne peut pas justifier de renforcer ainsi la banalisation, la légitimation du vote d’extrême-droite et la disqualification de la gauche toute entière.
Le barrage républicain était déjà très abîmé par sept années de macronisme. Nous en aurons pourtant absolument besoin au deuxième tour le 7 juillet. Il est urgent d’arrêter de lui donner des coups de bélier. Cette brèche-là serait irréparable.
Au cœur de l’imposture, 2 sujets : le manque supposé de sérieux de la gauche assimilée à l’extrême-gauche, et la question du racisme et de l’antisémitisme.
Balayons rapidement le premier : pas de leçon à recevoir du nouvel attelage Bardella/Ciotti qui n’a pour seul programme que son obsession anti-immigration, en pensant que cela va régler miraculeusement les sujets majeurs, par exemple le pouvoir d’achat ou le recul des services publics. Tous leurs votes à l’Assemblée Nationale démontrent que leur soi-disant programme social est une imposture.
Pas de leçon non plus à recevoir du mégalomane Bruno Le Maire, qui se revendique d’avoir sauvé la France de tous les maux, tout en ayant creusé ses déficits et les inégalités comme jamais.
Le programme du Front Populaire, en regard, est chiffré méticuleusement, nouvelle dépense correspondant à nouvelle recette. C’est d’ailleurs sous des gouvernements dirigés par les socialistes que les finances du pays ont été les plus saines pendant la Vème République…
Sur le second sujet, il est nécessaire de s’y attarder, et de prendre au sérieux l’inquiétude sincère qui perturbe nombre de nos concitoyennes et concitoyens dans le choix qu’ils et elles devront faire le 30 juin et 7 juillet prochains.
Plus de 100 ans d’histoire nous ont appris des constantes intangibles.
L’extrême-droite c’est l’anti-démocratie, le racisme et l’antisémitisme constant, et ce ne sont pas quelques petites années de dédiabolisation qui vont changer le fond de l’affaire : de l’anti-dreyfusard Maurice Barrès à Jordan Bardella, en passant par l’action française, le gouvernement de Vichy, l’OAS, la fondation du Front National par Jean-Marie Le Pen et la perpétuation du clan familial via sa fille, les mêmes thèses amènent aux mêmes conséquences.
La gauche c’est la lutte pour le progrès social, la défense des opprimés, le combat pour plus d’égalité : de Jaurès, assassiné pour avoir voulu la paix entre les peuples, de l’union mythique du Front Populaire qui a donné les congés payés, des gauches plurielles qui ont mis fin à la peine de mort, renforcé les droits à la retraite, permis une meilleure répartition du travail, garanti l’accès à une couverture médicale, la gauche dans sa diversité fait progresser la société.
C’est vrai, il y a des individus, notamment au sein de la France insoumise, qui ont tenu des propos indéfendables, qui ont minoré les ravages de l’antisémitisme. C’est pour cela que nous avons pesé fortement, les socialistes et nos alliés de Place Publique avec Raphaël Glucksmann, pour que le programme du nouveau Front Populaire soit irréprochable sur ces questions et qu’il engage toutes celles et ceux qui s’en réclament.
Mais il est fou de penser que les dérapages inacceptables de quelques-uns dans le camp du progrès, ou que la notabilité de façade dans le camp de la haine, changeraient plus de 100 ans d’histoire.
En appeler au Front Populaire pour la gauche ces derniers jours, réhabiliter Pétain pour l’extrême-droite dans ces dernières années, ce n’est pas un hasard, c’est une constante.
Jordan Bardella sacrifiera l’Ukraine, tout en se disant nationaliste, parce qu’il partage une lignée idéologique avec le dictateur Poutine. Le Rassemblement National continuera à soutenir inconditionnellement le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou en Israël, pas seulement pour faire oublier leur antisémitisme congénital, mais aussi pour justifier leur propagande de haine contre les musulmans.
La gauche luttera toujours pour le progrès social, mais aussi contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme, car c’est notre ADN, notre combat, la mémoire de nos prédécesseurs.
Celles et ceux, très rares, qui s’écartent de ce chemin sont d’ores et déjà disqualifiés, à côté de la route de la grande histoire, et demain, grâce à vous, c’est la gauche diverse et républicaine, celle des socialistes de Blum, des communistes de Manouchian, des écologistes de René Dumont, de l’insoumission de Louise Michel qui peut à nouveau changer la vie.