L’exil des Français est un atout

Tribune par Christophe Premat, Philip Cordery et Pouria Amirshahi, députés des Français de l’étranger, publiée dans Libération

Alors que la commission d’enquête sur l’exil des forces vives vient de publier ses conclusions, nous refusons de considérer la mobilité internationale des Français comme un signe du déclin français.

Il est loin le temps où Victor Hugo était contraint de fuir l’autoritarisme sévissant dans l’Hexagone pour rejoindre des contrées insulaires plus propices à ses projets humanistes. Parlementaires élus des Français de l’étranger, nous observons quotidiennement l’extraordinaire diversité de parcours et de trajectoires des Français ayant choisi de s’établir en dehors de nos frontières. Loin des clichés sur les exilés fiscaux et la fuite des cerveaux, les 2,5 millions de Français résidant à l’étranger sont le symbole du dynamisme de notre pays et de sa capacité à s’exporter.

C’est pourquoi la stratégie de l’UMP de créer une commission d’enquête pour montrer que notre pays fait fuir ses talents s’avère être un échec. Au lieu de considérer ce mouvement comme un «exil des forces vives», il nous semble plus judicieux de l’aborder comme une opportunité pour renforcer le rayonnement et l’attractivité de la France. C’est tout le sens des propositions formulées par le rapporteur.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La mobilité internationale dans les pays du Nord a augmenté de 65% ces dix dernières années et s’est accélérée. Comparé aux citoyens de nos voisins européens, le nombre d’expatriés français est moindre. 2,9% de Français sont partis à l’étranger contre 5,2% des Allemands, 7,6% des Britanniques et 6% des Italiens. Ce phénomène constaté d’accélération du nombre de nos concitoyens qui partent n’est, en réalité, qu’une dynamique de rattrapage. Le plus grand défi que notre pays doit relever vis-à-vis des Français à l’étranger n’est pas leur nombre mais leur accompagnement. Quotidiennement confrontés aux difficultés que rencontrent nos concitoyens établis hors de France, nous travaillons tous ensemble pour trouver des solutions. C’est en leur permettant de mieux vivre leur mobilité que l’économie française bénéficiera des expériences qu’ils ont acquises.

Chacun de nos compatriotes expatriés est un ambassadeur en puissance de notre culture et de nos intérêts économiques à l’étranger. Plusieurs études montrent qu’il existe une corrélation flagrante entre le volume d’émigration et le flux de commerce. Les investissements français à l’étranger peuvent ainsi se déployer sur de nouveaux territoires, de même que les investissements étrangers en France peuvent être nourris par ces mouvements migratoires. L’implantation des Français hors de l’Hexagone génère un engouement pour l’apprentissage du français comme langue étrangère auprès des populations locales et est un relais pour le développement de la francophonie dans le monde. Il s’agit là d’un puissant vecteur de promotion de notre culture et de nos valeurs à l’extérieur de nos frontières.

L’initiative européenne lancée par François Hollande lors du sommet européen sur l’emploi des jeunes, nous paraît essentielle pour soutenir le développement de l’Europe de la formation tout au long de la vie, de l’apprentissage et de l’alternance. Cela suppose de faciliter la validation des périodes d’apprentissage, de favoriser l’accès à des formations diplômantes à distance, ainsi que de promouvoir le bilinguisme à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. La démocratisation de la mobilité internationale ne pourra être mise en œuvre que par l’augmentation du nombre des bénéficiaires des bourses de mobilité. Les moyens financiers importants mis à disposition par l’initiative garantie jeunesse et le dispositif Erasmus + seront en mesure d’y parvenir.

A l’instar du Portugal, notre pays doit s’équiper d’un nouvel outil pour appréhender les flux migratoires des Français afin de mieux connaître ces Français de l’étranger et de les accompagner dans leurs démarches. L’impatriation ou le retour dans notre pays doit être facilitée, quand cela correspond à leur souhait. La mobilité internationale doit être valorisée, que ce soit dans les études, l’entreprise ou l’administration. Ce retour facilité en France passe aussi par la simplification des procédures administratives, que ce soit pour les inscriptions à l’école, à la Sécurité sociale ou à la mairie. Les droits sociaux acquis dans d’autres pays devraient pouvoir être transférables, que ce soit en matière de formation, de chômage et de retraite. Dans un monde globalisé, la mobilité est un atout. Au lieu de la craindre, il nous faut la préparer, l’accompagner et faciliter le retour de nos concitoyens qui le désirent.

Autres signataires : Arnaud Leroy Député des Français de l’étranger, Pierre-Yves Le Borgn’ Député des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret Sénatrice et ancienne ministre des Français de l’étranger Claudine Lepage Sénatrice des Français de l’étranger Richard Yung Sénateur des Français de l’étranger Jean-Yves Leconte Sénateur des Français de l’étranger Corinne Narassiguin Ancienne députée des Français de l’étranger.