Cécile Duflot enflamme inutilement la polémique sur les migrants

Tribune publiée dans La Croix

La porte-parole du PS Corinne Narassiguin répond à Cécile Duflot, après sa lettre ouverte au président de la République pour s’indigner de l’évacuation d’un camp de migrants à Paris.

L’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot dénonce, dans une tribune publiée dans Le Monde du 11 juin, « un Waterloo moral » de la politique vis-à-vis des migrants et exhorte à « résister au vent mauvais de la xénophobie ».

L’émoi face à la violence des images de l’évacuation des migrants à Pajol est tout à fait compréhensible, il est humain, tout simplement. Quiconque se reconnaît dans les valeurs humanistes de la patrie des droits de l’Homme ne peut que se sentir révolté face à tant de détresse, et soucieux face au devoir d’y répondre avec humanité tout en respectant l’État de droit.

Mais cet émoi ne peut pas justifier les prises de positions médiatiques outrancières de certains responsables politiques, qui manipulent nos émotions pour entretenir des critiques infondées à l’encontre du président de la République et du gouvernement. S’il est nécessaire de dénoncer ce qui ne fonctionne pas, il n’est pas intellectuellement honnête de tromper les Français en prétendant que rien n’est fait afin de mettre fin à ces dysfonctionnements. Depuis le début de ce quinquennat, beaucoup a été déjà fait pour augmenter le nombre de places en Centre d’Accueil pour demandeurs d’Asile (CADA) et pour renforcer les aides financières, sociales et à l’intégration, pour convaincre les pays membres de l’Union européenne d’harmoniser vers le haut leur politique d’immigration et de mettre en œuvre le régime d’asile commun (RAEC).

Lorsque Cécile Duflot choisit de donner des leçons d’humanisme au président de la République, en ignorant ce qu’il a déjà entrepris, et pire encore, en suggérant qu’il est contaminé par les idées du Front National, elle enflamme inutilement la polémique là où nous avons besoin d’un débat public responsable et réfléchi. On ne peut pas sérieusement réclamer des actions concrètes au niveau national comme au niveau européen et ne pas dire un mot sur les politiques en cours.

Je suis surprise que cette députée et ancienne ministre ait ainsi oublié de mentionner que deux projets de loi distincts ont été déposés par le gouvernement.

Le premier, sur la réforme de l’asile, est examiné aujourd’hui même en commission mixte paritaire. Étant donné l’écart important entre le texte voté par les députés de gauche et celui voté par les sénateurs de droite, on peut s’attendre à ce que ce texte revienne à l’Assemblée nationale en deuxième lecture dans les semaines à venir. Les objectifs de cette réforme sont de clarifier et d’accélérer le traitement des demandes d’asile, et d’améliorer l’organisation et les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeurs. Le deuxième, sur le droit des étrangers, comporte des volets importants destinés à lutter plus efficacement contre les filières d’immigration illégale dans le respect des droits fondamentaux, et pour clarifier et simplifier les canaux d’immigration légale. Ce texte sera très probablement examiné à l’Assemblée nationale pendant la session extraordinaire de juillet.

Il est par ailleurs essentiel de ne pas faire d’amalgames entre ces deux catégories de migrants, entre les demandeurs d’asile et les immigrés économiques illégaux. Car ce sont ces amalgames qui enflent les vents mauvais de la xénophobie. L’asile est un droit international fondamental qui doit être respecté. Les flux migratoires économiques sont à la fois une chance et une nécessité, ils doivent être régulés intelligemment, dans l’intérêt des pays d’accueil comme dans celui des pays d’émigration et des immigrés eux-mêmes.

Enfin, comment peut-on interpeller le président sur la nécessité d’agir au niveau européen et ne pas parler de la stratégie proposée par la Commission européenne, présentée aux députés européens il y a quelques semaines et mise à l’agenda du Sommet de Bruxelles du 30 juin prochain ? La France a pris les devants pour soutenir l’Italie face aux naufrages criminels en Méditerranée. François Hollande, Manuel Valls, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve ont été à l’initiative pour pousser la Commission européenne à développer une approche globale, à court moyen et long terme, pour traiter l’ensemble des questions à toutes les étapes du parcours migratoires : lutte contre les filières de trafic humain, accueil des migrants, coopération avec les pays d’origine.

Il n’y a pas de solutions simples ni de positionnements simplistes qui tiennent face à des situations complexes et humainement douloureuses. Les migrants, réfugiés demandeurs d’asile ou immigrés économiques, ne doivent pas être pris en otage de polémiques politiciennes.