Rapport Baker-Hamilton: beaucoup de bruit… pour rien?

Article pour l’Hebdo des Socialistes

Ce rapport très attendu était depuis plusieurs semaines au centre des préoccupations des médias et du monde politique américains.
Tout en reconnaissant qu’il n’y a pas de solution miracle pour sortir l’Irak du chaos, le rapport transgresse trois tabous pour l’administration Bush: 1. un calendrier de retrait des troupes est nécessaire; 2. il faut se décider à parler à l’Iran et à la Syrie; 4. il faut relancer le processus de paix israélo-palestinien, seul moyen de réduire les tensions dans la région.

Alors même que le nouveau secrétaire à la défense Robert Gates ose affirmer que « l’Amérique ne gagne pas en Irak », et bien qu’ empêtré dans le désastre irakien et sonné par sa double défaite au Congrès et au Sénat, Bush persiste: la guerre en Irak s’inscrit dans la lutte du bien contre le mal (i.e. guerre contre le terrorisme); certes il reconnaît que la situation va mal, mais les principales recommandations du rapport seront pour le moment ignorées: ni calendrier de retrait, ni discussion avec l’Iran tant que les activités civiles d’enrichissement de l’uranium continuent; pas de dialogue avec Damas tant que la Syrie déstabilise le Liban; enfin refus de lier le processus de paix au proche-orient à l’Irak, donc pas de pression sur Israël comme l’avait fait Baker en 1991 avec la conférence de Madrid.

A travers ce rapport, Baker oppose le pragmatisme néoréaliste de Bush père à l’entêtement idéologique de G.W. Bush, Cheney et Rice. Le président reste dans sa bulle, en dépit de trois ans d’échecs. La pression américaine sur Israël est bien moindre depuis 2000, la perspective d’un Etat palestinien plus éloignée; l’Irak est en guerre civile, sinon en cours de partition de facto; Le Hezbollah, le Hamas, le président iranien et Al Qaida gagnent des émules jusque parmi les modérés. La crise iranienne risque de devenir incontrôlable, ne laissant alors d’autres options que des frappes israéliennes isolées ou une nouvelle guerre conduite par Washington, dont nul aujourd’hui n’a la volonté ni les moyens.

Il reste deux ans à G. W. Bush: il peut tenter de sortir honorablement du bourbier, sans garantie de succès, en suivant les recommandations de Baker. Il peut aussi continuer à faire le sourd et l’aveugle en acceptant de ne considérer pour la forme que des propositions mineures, et conduire le Moyen-Orient vers des heures sombres La pression des Démocrates au Congrès et au Sénat dès janvier 2007 fera peut-être la différence.