Article pour l’Hebdo des Socialistes : Où va le monde?
Si tous les Américains sont préoccupés par la guerre en Irak, ils semblent avoir oublié celle en suspens en Afghanistan, car personne ne leur en parle. Ils veulent que les troupes rentrent à la maison, ils préféreraient que l’argent de la guerre serve à la lutte contre le terrorisme sur le sol américain. C’est une distinction récente, preuve que les Américains sortent de leur auto-aveuglement.
Après la défaite électorale de novembre 2006, on aurait pu croire que George W. Bush accepterait de changer de cap. Après tout, son premier geste avait été le renvoi de Donald Rumsfeld. Aujourd’hui encore, il fait mine d’écouter tout le monde avant d’annoncer sa nouvelle stratégie pour l’Irak.
Mais en fait Bush ne change pas. Son rejet quasi immédiat des propositions du rapport Baker le montre. Il croit toujours à sa mission de re-modélisation du Moyen-Orient dans la bataille du Bien contre le Mal. Karl Rove a même évoqué le retour de la conscription pour reconstruire une armée exsangue. Bush vient de remplacer des responsables du renseignement et de l’armée pour renforcer sa ligne stratégique.
Il a trouvé un soutien inattendu chez son frère ennemi John McCain, qui veut lui aussi envoyer plus de troupes en Irak.
Ces mesures seront cependant très probablement rejetées par le Congrès à majorité démocrate.
Même au sein du parti républicain, une majorité pense que la guerre en Irak est n’est plus gagnable selon les termes définis par la maison blanche, qu’il faut maintenant surtout penser à partir en minimisant les dégâts. Les Républicains se détournent de la bulle de la Maison Blanche. Ils préparent déjà les élections de 2008 et ont compris que pour espérer gagner, il leur faut sortir de l’ombre de Bush.
Les Américains ont en effet donné une raclée électorale à Bush, bien plus qu’ils ont donné une victoire aux Démocrates. Ces derniers le savent, et Howard Dean n’a pas caché que leur arme de campagne la plus efficace était la propagande anti-Bush sur l’Irak, sur l’incompétence dans la gestion de crise comme pour l’ouragan Katrina. Les scandales de moeurs et de drogue chez des élus et évangélistes républicains ont aussi joué un rôle important dans la discréditation des postures morales de l’ère Bush Jr.
Les Démocrates ont d’ailleurs été surpris par l’ampleur de leur victoire. Il suffit de voir leurs cafouillages initiaux pour comprendre qu’ils ont fait une campagne en contre, sans vrai projet unifié. Ils doivent maintenant se mettre en ordre de marche sous la houlette de leurs multiples leaders : Nancy Pelosi et Harry Reid à la tête de la Chambre et du Sénat, et les prétendants à la présidence pour 2008, comme Hillary Clinton ou Barak Obama.
La cohabitation avec les Républicains sera âpre. La majorité démocrate au Sénat est fragile : un seul siège d’avance, tenu par un sénateur actuellement dans le coma, et dont le remplaçant, nommé par le gouverneur, serait vraisemblablement un républicain. Sa mort pourrait encore changer complètement la donne politique aux Etats-Unis.