La veille technologique : comment préparer le futur

Billet Blog

Les progrès technologiques sont de plus en plus rapides et ont un impact de plus en plus large. Ces nouvelles technologies bouleversent la société, dans son fonctionnement économique, dans les perspectives de nouveaux progrès, dans les rapports humains.
Il suffit de voir l’impact des nouvelles technologies de l’information depuis vingt ans sur nos sociétés pour comprendre à quel point il est important pour les responsables politiques de bien appréhender l’évolution de ces technologies et de mieux prévoir leurs conséquences à long terme – positives ou négatives – au niveau social, économique, écologique et sociétal.
Aujourd’hui, la législation court après la technologie et la loi est déjà obsolète avant d’être implémentée. Les groupes de travail existants ont au mieux une vue à moyen terme sur les évolutions futures des technologies. Si nous ne mettons pas en place des groupes de travail parlementaires en charge de la veille technologique de long terme, nous serons incapables de préparer les mutations futures au bénéfice du plus grand nombre.
Les responsables politiques doivent travailler avec les scientifiques, les chercheurs, les entrepreneurs, les économistes, les sociologues, les philosophes afin de mieux prévoir le développement de nouvelles technologies et de mieux anticiper leur impact.
En tant que socialistes, nous devons nous assurer que le progrès technologique reste au service du progrès humain et au bénéfice de tous.

Prenons deux exemples concrets : la médecine régénérative et l’informatique dans le nuage.

Médecine régénérative et cellules souches

Depuis plusieurs années, on nous prédit que les biotechnologies constituent le prochain grand développement technologique depuis l’Internet.
De fait, les avancées dans l’ingénierie biologique à partir des cellules souches sont de plus en plus fréquentes et significatives. Un enfant de 10 ans au Royaume-Uni a développé une nouvelle trachée dans sa gorge à partir de ses propres cellules souches. Il y a déjà des résultats probants pour traiter des problèmes sanguins, cardiaques, d’articulations, de vue. Des tests sont en cours pour Alzheimer et la reconstruction de la moelle épinière dans les cas de paralysie, l’ingénierie biologique de nouveaux vaisseaux sanguins ou de nouvelles vessies a fait beaucoup de progrès. La médecine régénérative sera une réalité banale du marché de la santé d’ici 20 ans.
Elle permettra de réparer des organes défectueux plutôt de traiter les symptômes avec des médicaments. Nous vivrons donc beaucoup plus longtemps et en bonne santé. Elle donnera naissance à une industrie de biologie synthétique qui pourra toucher d’autres domaines que la santé, comme les énergies renouvelables et l’agriculture.

Pour profiter au mieux de la croissance économique créée par ces nouvelles technologies et maîtriser leur développement dans le sens du progrès humain pour tous, nous devrons développer suffisamment à l’avance des plans d’investissements dans la recherche et l’innovation, dans l‘enseignement supérieur, en rapport avec ces domaines de biotechnologies.
Nous devrons nous assurer que nous préparons adéquatement l’arrivée de ces technologies dans notre quotidien. Si nous ne faisons rien, seuls les plus riches auront accès à ces traitements car notre système de santé actuel ne pourra pas supporter ces coûts beaucoup plus élevés que ceux de la médecine traditionnelle.
Par ailleurs, nous devons anticiper l’allongement significatif de l’espérance de vie en bonne santé et son impact sur notre système de retraite, sur la place des seniors dans la vie de notre société et leur capacité à y participer pleinement plus longtemps.
Enfin, nous devrons travailler avec l’Europe et les organisations internationales pour assurer que ces avancées soient aussi accessibles dans les pays pauvres.

Informatique dans le nuage ou Cloud computing

L’informatique dans le nuage, plus connu sous son nom anglais Cloud computing, est la nouvelle étape de la révolution internet, et porte les germes de la prochaine révolution industrielle.
Ce n’est pas véritablement une technologie en soi, ni un produit, mais un mélange de facteurs économiques, technologiques et culturels convergents. Il s’agit essentiellement de la transformation de l’industrie des technologies de l’information en plateforme d’économie de services.
Typiquement, l’idée est de fournir des services par internet à travers des interfaces utilisateur simples généralement présentées dans le navigateur internet, et où toute l’intelligence applicative et le stockage de données se fait « dans le nuage », c’est à dire chez le fournisseur de service. Par exemple, pour les services actuels grand public : Gmail, Facebook, YouTube.
L’informatique dans le nuage permet surtout aujourd’hui à de petites et moyennes entreprises d’avoir accès à de grosses infrastructures applicatives et de base de données virtualisées, sans avoir à investir dans ces infrastructures et à les maintenir, aucune expertise technique n’est requise au-delà de l’utilisation de ces applications. Autrefois seules les grosses entreprises pouvaient se permettre de construire et de maintenir de telles infrastructures informatiques.
Gartner estime que le marché du Cloud computing s’élèvera à 150 milliards de dollars d’ici 2013.
En plus de faciliter l’accès à n’importe quelle échelle à toute une panoplie de services informatiques, le nuage permettra également la délocalisation des fonctions, y compris pour les petites et moyennes entreprises, qui pourront employer des personnes selon leurs compétences là où elles vivent, en ville, à la campagne, et même à l’étranger.

Nous devons accompagner cette nouvelle révolution par des investissements dans les infrastructures de haut-débit partout en France, et favoriser à travers tout le territoire la création de petits centres de bureaux équipés qui peuvent être loués par des entreprises pour leurs employés délocalisés.
Au cours des deux prochaines décennies, l’informatique dans le nuage va changer la structure de l’organisation du travail et permettre aux PME d’entrer plus directement en concurrence avec les grandes entreprises.
Ceci transformera les dynamiques économiques et demandera de repenser sur le long terme l’aménagement du territoire, le repeuplement des campagnes, le désengorgement des grandes villes.
Il nous faudra également réfléchir à la meilleure manière de limiter la délocalisation de fonctions à haute expertise vers des pays à bas salaires.
Enfin, là aussi comme pour les biotechnologies, la fracture technologique entre pays riches et pays pauvres risque de creuser encore plus les inégalités, augmenter les tensions géopolitiques, encourager l’immigration de la misère. Nous devons commencer à y réfléchir dès maintenant, sinon il sera vite trop tard.

Mon parcours professionnel et mes goûts personnels me poussent naturellement à m’intéresser de près à ces sujets que peu d’élus comprennent véritablement aujourd’hui. En tant que député, je proposerai la création d’un groupe de travail parlementaire dédié à la veille technologique de long terme. En attendant qu’il se forme, je mettrai sur pied le plus rapidement possible un laboratoire d’idées consacré à ces questions.