Michel Barnier Premier ministre, le triple déni démocratique d’Emmanuel Macron

Au soir du 7 juillet 2024, il y avait trois conclusions politiques à tirer du verdict des urnes.

  • Les Françaises et les Français ont fait majoritairement le choix du front républicain pour empêcher le Rassemblement National et ses alliés d’accéder au pouvoir.
  • Le seul camp qui a clairement perdu ces élections législatives anticipées est celui d’Emmanuel Macron.
  • C’est le Nouveau Front Populaire qui est arrivé en tête et détient une majorité relative à l’Assemblée nationale.

Deux mois plus tard, le président de la République choisit de nommer Michel Barnier comme Premier ministre.

Il est issu du seul parti de l’arc républicain, Les Républicains, qui n’a pas participé au front républicain, en refusant d’opérer les désistements de leurs candidats pour faire barrage à l’extrême-droite, tout en profitant des désistements républicains des autres partis en leur faveur. De plus, si Emmanuel Macron a choisi Michel Barnier, plutôt qu’une ou un autre issu de cette famille politique, c’est parce qu’il bénéficie de la bienveillance de Marine Le Pen. Le RN s’en félicite d’ailleurs ouvertement. C’est donc du côté du RN que le gouvernement Barnier cherchera la non-censure.  C’est le premier déni démocratique : Emmanuel Macron fait un bras d’honneur au front républicain contre l’extrême-droite.

Le Président Macron a déclaré qu’avec Michel Barnier, « ce n’est pas une cohabitation, mais une coexistence, une coopération ». D’ailleurs, les noms des ministres qui pourraient rester en place ou simplement changer de portefeuille circulent. Voilà des semaines que l’entourage du Président fait passer un message clair : il ne veut pas qu’on « détricote » son bilan. Il veut continuer la même politique. Les partis d’Ensemble ont d’ailleurs signalé très vite qu’ils étaient d’accord avec le président. En trouvant un « deal » avec le RN pour permettre la réélection de Yael Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet, ils avaient déjà signalé qu’ils refusaient de reconnaître leur défaite électorale. En annonçant encore cette semaine que tout gouvernement portant la moindre mesure de gauche serait censuré, ils ont appuyé le souhait d’Emmanuel Macron de continuer à gouverner à droite sous l’arbitrage du RN. C’est le deuxième déni démocratique : Emmanuel Macron fait le choix de continuer à mener une politique que les électrices et électeurs ont rejeté.

Enfin, le troisième déni démocratique est bien sûr le premier dans l’ordre chronologique. C’est le refus de respecter la tradition républicaine et la logique institutionnelle en nommant à Matignon une ou un représentant de la coalition arrivée en tête, le Nouveau Front Populaire. Dès le lendemain du deuxième tour de ces élections législatives anticipées qu’il avait lui-même provoquées pour que « la parole soit donnée au peuple souverain », il aurait dû déclarer qu’il attendait que le NFP propose une personne pour Matignon.

Il revenait ensuite à Lucie Castets et aux partis de cette coalition de démontrer leur capacité à trouver les majorités parlementaires qui leur permettent de gouverner sans être censurés. Emmanuel Macron ne l’a jamais admis.

Ce n’est pas au Président de la République de décider a priori ce qui sera censuré. C’est au gouvernement de travailler avec le Parlement, et ce sont les députés qui décident.

Pourtant, quand Lucie Castets lui a confirmé qu’elle chercherait des compromis et admettait qu’il ne serait pas possible avec une majorité relative de faire appliquer tout le programme du NFP, Emmanuel Macron a cherché à droite l’assurance que la présence de ministres LFI justifierait immédiatement la censure. Quand LFI a proposé le soutien sans participation, il a de nouveau cherché à droite l’assurance que ce serait le principe même de gouverner à partir des propositions venues du NFP qui provoquerait la censure immédiate.

Emmanuel Macron a donc utilisé les Jeux Olympiques pour justifier le maintien pendant tout l’été d’un gouvernement démissionnaire qui a fait bien plus que « gérer les affaires courantes », et pour entretenir l’idée d’un pourrissement de la situation, jetant en pâture des noms pour jeter le trouble tantôt à droite mais surtout à gauche, afin d’arriver à ses fins.

Tranquillement, il dit aux Françaises et aux Français : vous avez fait un choix démocratique, mais vous vous êtes triplement trompés. Ne vous inquiétez pas, je vous pardonne. Je vais continuer à décider à votre place.

La confiance dans le vote démocratique est déjà très abîmée. Ce que vient de faire le président de la République avec la nomination de Michel Barnier à Matignon est une faute institutionnelle et politique lourde.

Les parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat qui croient dans les principes et les valeurs de notre République démocratique, quelle que soit leur couleur politique, doivent maintenant peser de tout leur poids pour faire vivre pleinement la démocratie parlementaire, refuser cette mainmise de l’Élysée sur le gouvernement et le Parlement, et participer à reconstruire la confiance dans notre système démocratique.

J’y prendrai toute ma part.