Ensemble contre le racisme ce 21 mars!

En ce moment de choc et de deuil national, nous avons tous le devoir de ne pas attiser la haine et la stigmatisation. C’est un devoir en cette journée internationale de lutte contre le racisme, comme c’est un devoir tous les jours de l’année.

Biologiquement, on le sait depuis longtemps, il n’y a pas des races humaines, mais une seule race humaine. L’affirmer reste un symbole fort, car le racisme persiste dans toutes nos sociétés à travers le monde : discriminations et même violences sur la base de la couleur de peau, de l’origine ethnique, des traditions culturelles ou des pratiques religieuses.

En France, le racisme est une réalité à laquelle sont confrontés, dans leur quotidien, des millions de Français et d’immigrés pour obtenir un logement, un emploi, ou simplement entrer dans une boîte de nuit. La discrimination commence trop souvent à l’école lors de l’orientation des enfants dans leur scolarité.

Les préjugés sont si bien ancrés dans l’inconscient collectif qu’ils sont des leviers faciles pour le populisme politique : lorsqu’on attise la peur de l’autre pour faire oublier son incompétence de gouvernant à assurer la cohésion d’une société apaisée et fière d’elle-même dans la République métissée qu’est la France d’aujourd’hui; ou lorsqu’on revendique le repli sur soi et la haine de l’autre comme socle d’un programme économique et social pour entraîner les classes populaires vers un extrémisme antirépublicain.

Vivant aux Etats-Unis, j’ai pu constater les avancées réalisées grâce à l’application des lois antidiscrimination dans l’enseignement supérieur et le monde du travail, les effets pervers de la discrimination positive, et donc au final l’insuffisance de ces mesures. L’élection du premier président noir des Etats-Unis a même bizarrement libéré la parole des franges les plus racistes du conservatisme américain.
Au Canada aussi, les interrogations sur les identités nationales face notamment aux communautarismes font de plus en plus souvent déraper le débat vers les terrains glissants de la stigmatisation des différences culturelles et religieuses.

En France, la lutte contre le racisme doit commencer à l’école de la République, en cours d’histoire et de géographie, en cours d’instruction civique et dans les leçons sur le fait religieux. Le personnel de l’éducation nationale doit être spécifiquement formé pour lutter contre toutes les formes de discrimination.

L’inversion de la charge de la preuve et la reconnaissance du « testing » dans la législation française n’ont pas suffi pour faire véritablement reculer les discriminations racistes pour l’accès au logement et à l’emploi. Il faudrait qu’elles soient renforcées par une simplification de l’action en justice pour les victimes de discriminations, notamment grâce aux actions collectives.

Par ailleurs, l’exemple nord-américain de formation obligatoire dans les entreprises pour sensibiliser les employés aux comportements et paroles racistes, n’en déplaise aux opposants au « politiquement correct », est un exemple à suivre, car il améliore indéniablement la qualité des relations dans l’entreprise et réduit les discriminations les plus fortes.

S’il est hors de question d’autoriser le fichage des personnes, il serait bon que l’INSEE collecte lors des recensements des informations anonymes concernant l’origine ethnique et les pratiques religieuses. En effet, si la République est une et indivisible et proclame des droits et des devoirs égaux pour tous ses citoyens, elle ne doit pas rester aveugle à la stigmatisation de la différence. Pour concevoir et appliquer des politiques publiques justes et efficaces, à même de faire reculer le racisme, en particulier en mettant en place des mesures de rattrapage ambitieuses dans les quartiers devenus ghettos, nous avons besoin de données statistiques fiables.

Ne nous faisons pas d’illusions, cette journée internationale de lutte contre le racisme restera sans doute nécessaire pendant fort longtemps. Ce constat lucide doit nous inciter à redoubler d’efforts pour lutter contre le racisme partout où il existe. Les Français de l’étranger, de plus en plus plurinationaux, sont le symbole d’une ouverture sur les autres et sur le monde particulièrement bienvenue. Ils peuvent s’appuyer sur leur expérience pour faire entendre leur voix et ainsi contribuer de manière créative et pragmatique à l’amélioration des politiques de lutte contre le racisme.

– Corinne Narassiguin