France-Amérique propose à ses lecteurs de poser des questions aux candidat-e-s à l’élection législative de juin 2012. Voici la sixième, une question sur l’accès au crédit, avec la réponse de Corinne.
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Question de Christophe :
Que comptent faire les candidats pour faciliter l’accès au crédit pour les nouveaux arrivants aux Etats-Unis et au Canada ?
Réponse de Corinne Narassiguin :
Merci Christophe pour votre question. En effet, vous évoquez un problème commun à une majorité de nouveaux arrivants au Canada et aux Etats-Unis. Avant de décrire le problème tel que je le vois et de proposer deux pistes pour le résoudre, je tiens à rappeler que le député élu dans notre circonscription ne pourra pas intervenir directement sur la manière dont les établissements financiers nord-américains traitent leurs clients français.
Attention, le député des Français à l’étranger ne peut pas influencer la réglementation locale
Le député des Français à l’étranger n’a ni vocation à, ni le pouvoir de résoudre des problèmes législatifs ou administratifs américains ou canadiens : il n’a pas d’influence sur les réglementations bancaires dans des pays autres que la France, ni ne peut imposer par la loi à des filiales de banques françaises à l’étranger de créer un traitement spécial pour les Français de l’étranger, puisque ces filiales opèrent selon le droit local.
Le problème essentiel de l’absence d’historique de crédit
Le problème sur lequel vous attirez mon attention repose sur un fait essentiel : l’absence d’historique de crédit dans le pays d’accueil, qui est typiquement considéré comme une « anomalie » par les systèmes bancaires canadiens et américains passé l’âge de 25 ans.
Aux Etats-Unis comme au Canada, le fameux « credit score » est la clef de l’accès au crédit, et ce score est bâti à partir de l’historique bancaire de crédit de la personne, dans le pays même, pas en France. Sans historique local, on se retrouve avec un score très faible, qui ne donne accès à rien (ou à des taux prohibitifs)… et alors seule la capacité à négocier avec les banques avec un avantage (un garant, une relation préétablie dans un autre pays ou la capacité de donner d’autres actifs en gage du crédit) peut permettre l’obtention d’un crédit. Il faut ainsi environ un à deux ans et une stratégie bien établie pour créer un historique de crédit qui permette d’emprunter par la suite dans des conditions normales, que ce soit pour étudier, pour créer une entreprise, pour acheter une maison ou une voiture, voire même pour obtenir un bail de location ou un simple téléphone portable.
Quand bien même on souhaiterait utiliser son historique de crédit français pour une « équivalence », plusieurs obstacles majeurs s’interposent :
- La loi informatique et liberté interdit, en France, de grouper les fichiers contenant des données personnelles, et donc le transfert d’un tel fichier vers l’étranger n’est pas possible ;
- Le score de crédit français est basé uniquement sur les impayés ou les défauts de paiements sur les prélèvements alors qu’en Amérique du Nord le score prend en compte l’ensemble des paiements de consommation d’un individu effectués par carte de crédit (par exemple : gaz, électricité, télévision, téléphone…). Donc par la nature même du score, toute équivalence est bannie.
- En France, ce sont les revenus de type salaire qui sont principalement pris en compte (les propriétés ne rajoutant qu’un petit plus) lors des attributions de crédits bancaire. Alors qu’en Amérique du Nord, par la pratique dite de l’« equity », une maison peut être soit refinancée soit reprise en compte dans le crédit au même titre que l’électricité, le gaz ou le câble.
- Le système bancaire lui-même est très différent entre la France et l’Amérique du Nord. La notion de carte de crédit est aussi très particulière aux Etats-Unis et au Canada, car elle s’apparente plus à une carte de « credit revolving » qui est décriée en France en ce moment (comme les cartes Cofinoga ou La Redoute).
Dans ces conditions, il est donc très difficile voire impossible de monter une quelconque équivalence.
Une première solution : la meilleure information des nouveaux arrivants
Comme j’ai pu en discuter avec les Françaises et les Français que j’ai rencontrés lors de mes déplacements dans la circonscription, une première solution passe par un meilleur accompagnement de la mobilité internationale par une mise en commun des ressources (par exemple : bases de connaissances, outils, contacts utiles) sur le portail internet du Ministère des Affaires Etrangères, avec des sections par pays, pour l’accueil des Français à l’installation et pour le retour en France. En particulier, ce portail doit proposer des informations très précises sur le mode de fonctionnement bancaire et de crédit dans le pays d’accueil, et donc pour l’Amérique du Nord en particulier, d’expliquer comment se construire un bon historique de crédit.
De manière similaire, ces ressources devront être accessibles au personnel consulaire pour qu’il puisse accompagner de façon efficace les nouveaux arrivants et répondre à leurs questions dans ce domaine.
Enfin, un troisième moyen d’informer les Françaises et les Français sur cette spécificité nord-américaine consiste àvaloriser la présence de chambres de commerce franco-américaines et franco-canadiennes dans notre circonscription, qui pourraient par exemple proposer des formations sur le crédit, accessibles à tous. Ce type de formation enrichirait l’offre des chambres de commerce, qui permettent déjà les rencontres entre entrepreneurs et investisseurs dans le domaine du crédit professionnel.
Une deuxième solution : valoriser la solidarité locale
Un deuxième type de solution consiste à faire jouer la solidarité locale, au travers de partenariats associatifs. Je propose ici deux idées concrètes à étudier.
Tout d’abord, nous pouvons inviter les associations accueillant les Français à l’étranger à nouer des partenariats avec des établissements financiers locaux : les membres des associations ont accès, auprès de ces établissements, à des services bancaires spécialisés et adaptés à leurs besoins et à leur situation de crédit. Ce type de partenariat permet aux associations d’avoir une offre de service innovante, et permet aux établissements financiers de capter une clientèle nouvelle.
Enfin, nous pouvons réfléchir à la création d’une coopérative financière pour les français résidant en Amérique du Nord, sur le modèle des « credit unions » américaines et des « caisses populaires » canadiennes. Ces établissements, qui sont la propriété effective de leurs membres, ont typiquement pour objectif de proposer des crédits à taux très compétitifs.