J’ai eu le plaisir de pouvoir présider hier et avant-hier les deux premières table-rondes de la mission d’information sur la transparence dans la gouvernance des grandes entreprises. C’est avec une certaine impatience voire une impatience certaine que j’attendais de pouvoir commencer à auditionner les acteurs de la vie économique de notre pays sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’ai beaucoup travaillé l’été durant.
Je tiens à préciser ici l’esprit de la mission et à quoi elle va servir. Je ne crains personnellement rien de plus que les comités Théodule qui réfléchissent un peu « hors-sol » et sans objectifs précis. C’est ce que nous voulons éviter absolument. Cette mission étant une mission parlementaire, elle doit pouvoir déboucher sur des propositions opérationnelles et susceptibles d’être inscrites dans la loi.
Mais attention, là encore, pas de méprise ! Le but ne peut pas être de rajouter encore une couche au millefeuille législatif qui nuit à la qualité de notre droit. Je pense même que dans le domaine dont nous parlons existe un gisement de possibles simplifications dans lequel il ne faudra pas hésiter à puiser si c’est pertinent.
Pourquoi une mission d’information sur la transparence des grandes entreprises ?
D’abord parce que nous avons un droit qui reste finalement plutôt flou en la matière, moins contraignant sur beaucoup de points que le droit américain par exemple. L’exigence de transparence n’implique pas de complexifier notre droit, c’est peut-être-même en le rendant plus simple mais plus clair que nous atteindrons notre objectif.
D’autre part parce que les attentes de la société sont très fortes sur la question des rémunérations, des conflits d’intérêt et de pratiques parfois obscures qui ont pu jouer un rôle dans la crise financière de la fin des années 2000. Et parler de la gouvernance des entreprises, ce n’est pas simplement parler de questions internes aux sociétés, c’est réfléchir à leur efficacité et donc à la santé de l’économie.
Troisième point, la légitimité de notre mission se fonde aussi sur la politique active de l’Etat français en faveur de ses entreprises. Les aides publiques –indirectes bien entendu– que l’Etat accorde aux entreprises justifie qu’il demande en contrepartie des garanties, tant sur la gestion financière que sur la stratégie globale des entreprises. De plus, l’Etat est actionnaire de nombres d’entreprises françaises.
Enfin parce que quand on envisage de légiférer sur un sujet qui implique autant d’acteurs, il est important de faire participer ces derniers à la réflexion de la représentation nationale. L’Assemblée nationale n’est pas et ne doit pas devenir une tour d’ivoire au sein de laquelle dissertent confortablement des élus déconnectés des événements extérieurs. Au contraire, nous la voulons ouverte sur la société et sur le monde. Nous ne voulons pas que les personnes ou structures concernées au premier chef par un sujet apprennent nos décisions par la presse, mais qu’elles aient pu être associées en amont à nos travaux.
En tant que responsables politiques, bien évidemment, nous ne sommes pas là que pour enregistrer les doléances. Nous allons prendre des décisions qui ne feront pas plaisir à tout le monde. Mais nous les prendrons en pleine connaissance des implications qu’elles portent pour les uns et les autres.
Un mot, enfin, sur l’esprit de la mission. Certes, la responsabilité de certaines pratiques dans la crise actuelle n’est pas à ignorer. Certes, chacun devra assumer ses responsabilités. Mais notre mission est d’abord tournée vers l’avenir et s’inscrit dans une stratégie économique plus large. La gouvernance des entreprises doit être au service de leur efficacité économique et de leur dynamisme, et prendre pleinement en compte leur responsabilité sociale et environnementale.
Il n’est pas anodin pour l’activité d’une entreprise que les parties-prenantes se sentent concernées ou ne se sentent pas concernées par les décisions et la stratégie qui sont les siennes. Et quand je dis parties-prenantes, je pense à la fois aux salariés, aux actionnaires, aux fournisseurs et autres partenaires commerciaux, à l’environnement social de manière générale. Je pense par exemple que les relations que les grosses entreprises en Allemagne entretiennent avec leurs sous-traitants est l’un des éléments explicatifs des différences de performances économiques, notamment à l’export.
Je veux souligner qu’il ne s’agit pas d’une approche punitive ou revancharde, qui viserait sans le dire à « faire payer » les grandes entreprises pour des pratiques passées ou présentes. Ceux qui connaissent mon parcours savent que je suis un pur produit – outre de l’école républicaine !- de l’entreprise privée, et qu’avant mon élection je travaillais dans l’une des plus grandes banques américaines.
Les deux premières tables-rondes que nous avons vécues me rassurent d’ailleurs quant à la volonté d’éviter des prises de position caricaturales. Les représentants de l’Etat ont insisté très fortement sur la nécessité d’envisager toute mesure aussi sous l’angle de l’attractivité de notre pays et de la bonne marche des entreprises, tandis que les représentants du MEDEF et de l’AFEP (Association Françaises des Entreprises Privées) se sont montrés très conscientes de leur responsabilité sociale.
Les auditions de la mission d’information sont ouvertes à la presse et donc visibles en direct ou en différé sur le site de l’Assemblée (Dans la rubrique « vidéo à la demande »/ Commission des Lois).